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Si le sujet complexe du marché carbone a été au cœur des échanges de la COP26, il est sous-tendu par divers leviers, dont celui du développement de la technologie CCS (carbon capture and storage), qui offre des perspectives prometteuses en matière de réduction d’émissions de gaz à effet de serre. Sur ce terrain, l’Afrique a une carte à jouer, à travers des solutions basées sur la nature.
Fanny REY
C’est une disposition sur laquelle les Etats ont eu bien du mal à s’accorder, mais la mise en œuvre d’un dispositif international d’échange d’unités de réduction des émissions de CO2 a finalement été actée lors de la COP26 de Glasgow. Une avancée cruciale dans la lutte contre le réchauffement climatique, puisque la reconnaissance d’un marché international des « crédits carbone » devraient permettre aux pays de mutualiser les coûts de décarbonation de l’économie.
Le concept de captage-stockage de CO2, qui consiste à capter le CO2 au plus près de sa source de production (ou dans l’atmosphère) et à le stocker dans le sous-sol, s’est également invité dans les débats, cette technologie étant susceptible de décarboner massivement les activités de l’industrie lourde et de contribuer à l’atteinte des objectifs du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), qui le mentionne dans trois de ses quatre scénarios de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) à l’échelle mondiale. Son potentiel dans le mix énergétique est également souligné par l’Agence internationale de l’énergie, qui estime qu’il faudra pour atteindre l’objectif d’un réchauffement limité à 2° une contribution du CCS de l’ordre de 14% en 2050. Or seule une trentaine d’installations sont pour l’heure opérationnelles dans le monde, notamment aux Etats-Unis, et l’essentiel des projets se situe en Europe.
Réduire les coûts de captage
Si cette technologie n’est pas nouvelle, les objectifs de réduction des GES nécessitent de passer à l’échelle, ce qui pose la question d’un modèle économique viable, implique de réduire les coûts et d’identifier les écosystèmes les plus aptes à capter et stocker massivement et durablement le CO2. Deux objectifs qui animent la Fondation Earth Love United, fondée en 2020 par l’investisseur béninois Jean Missinhoun. Cette plateforme mondiale pour l’action climatique s’est positionnée sur le double créneau de l’optimisation des puits naturels de carbone et du développement de solutions innovantes de CCS. « Les Africains ont toutes les solutions à portée de main. Ils peuvent apporter leur contribution à la lutte contre le changement climatique », souligne-t-il, convaincu que « 99 % des problèmes peuvent être résolus grâce à la nature ».
Les chercheurs de la Fondation travaillent notamment sur le développement d’un bioréacteur fonctionnant à partir de grands volumes d’algues ou de posidonies – une ferme de bioréacteurs permettant d’absorber 100 000 tonnes de CO2 par an, susceptibles d’être valorisées en biocarburants ou en produits cosmétiques dans un deuxième temps. De quoi offrir une alternative économique aux CCS « classiques », qui utilisent des briques technologiques maîtrisées. « Cette technologie sera appelée à jouer un rôle de plus en plus important dans les scénarios de décarbonation dans lesquels sont engagés les principaux pollueurs », pronostique ainsi Jean Missinhoun.
La mangrove, un puits de carbone exceptionnel
Dans cette dynamique, la Fondation développe dans le sud du Bénin un projet pilote de préservation de la forêt de mangrove sur un site de 652 760 ha. De fait, les mangroves ont une capacité de réserve de carbone parmi les plus élevées au monde (plus de 2 tonnes de CO2 par ha et par an), pouvant en stocker jusqu’à cinq fois plus par unité de surface que les forêts tropicales, grâce à une fonctionnalité spécifique de leur système racinaire leur permettant d’agir comme un puits de carbone pendant un siècle.
Si leur système de séquestration du carbone a prouvé son efficacité, un tiers de la couverture mondiale de mangrove a été détruite ces cinquante dernières années en raison de la surexploitation forestière, de l’érosion des sols et de l’érosion côtière. D’où l’importance de restaurer ces espaces afin d’améliorer leur potentiel de séquestration et d’éviter que le carbone stocké ne retourne dans l’atmosphère. Face à ces constats, l’équipe de recherche « mangrove » de la Fondation concentre ses travaux sur la compréhension des différents modèles de croissance en fonction des espèces et de leur compatibilité, sur la recherche génétique afin d’obtenir d’optimiser la capture et le stockage de carbone et sur la culture d’une espèce créée par altération génétique à cette fin. Objectif : atteindre 250 000 tonnes de séquestration de carbone annuel. Cette approche intègre la culture d’herbiers marins et d’algues pour optimiser les écosystèmes de mangrove.
Une opportunité économique mondiale
Alors que les mangroves couvrent plus de 3,2 millions d’hectares à l’échelle du continent – soit près de 20% de leur surface mondiale –, le potentiel de cette approche est énorme, avec à la clé des réductions d’émissions conséquentes. L’ensemble de ce projet, qui représente un investissement de 200M USD, ouvre des perspectives énormes, en offrant une alternative aux technologies artificielles de CCS, coûteuses et énergivores. A l’échelle mondiale, d’ici 2040, les forêts de mangrove pourraient séquestrer jusqu’à 380 millions de tonnes de CO2, et en tant que telle, leur restauration pourrait rapporter 11,8 Md de dollars d’ici 2040 via la vente de crédits carbone bleu (carbone collecté par les écosystèmes océaniques et côtiers). Le prix de ces crédits, qui inclut notamment la protection contre les tempêtes à la durabilité de la pêche, dépasse la simple valeur du carbone. Autant d’atouts susceptibles de retenir l’attention de fonds climatiques, à l’image du Fonds dédié à la finance verte créé par la Banque africaine de développement dans le sillage de la COP26 afin de drainer des financements privés dans des projets verts à travers le continent.
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