Le renoncement du pape comme conjonction d’un événement significatif, est depuis le 11 février dernier pour Albert Tévoédjrê, un champ, une sphère où il joue son identité principale. C’est ainsi qu’il a annoncé reconstruire sa biographie. Enfin ! L’heure de la retraire…
« Le Pape Benoit XVI m’a inspiré », a lâché sèchement le sémillant professeur sur les ondes de RFI, la semaine dernière. L’octogénaire et érudit devant le Seigneur, après le renoncement du Saint-Père, octogénaire comme lui, est entrain de comprendre que l’espace et le temps générationnel évoqués par l’évêque de Rome, peuvent l’aider à reconstruire sa biographie en privilégiant la rupture. Tévoédjrê envisage donc la retraite.

On n’a pas besoin de la parabole des talents pour le présenter. Parmi les personnalités du Bénin depuis 1960, sa capacité, son habileté, son aptitude naturelle ou acquise, sa supériorité dans les discours soutenus… sont des fulgurances souvent inégalées. Dieu lui a donné de grands talents.
A cet âge, l’analyse se demande d’où tiret-il cette capacité à résister aux temps et adapter son corps inoxydable à son esprit toujours fécond ? J’ai de l’admiration pour lui même si ironiquement, il a commencé à partir de 1996, date de retour aux affaires de l’ex président Mathieu Kérékou, par avoir le talent d’ennuyer tout le monde.
En effet, cette célébrité médiatique, pour son instinct de survie qui contrarie avec des causes nobles, a dû mettre ses compétences au service des redoublements de politesses cérémonieuses et partisanes. En effet, après sa candidature joyeuse en 1991, où il a été troisième après Kérékou et Soglo qui était en tête, on avait cru que Tévoédjrê allait raccrocher pour éviter les formes identitaires à l’épreuve d’une transposition.

Mais, il n’a pas voulu raccrocher ni faire son jubilé. Et l’infatigable « papi », a poursuivi son champ professionnel et champ politique. Depuis lors, il a davantage a été marqué par une carrière accomplie. Malheureusement, l’hypothèse carriériste sous-jacente suivie de l’engagement politique pour le pouvoir, a été plus fort.
Alors qu’en terme d’hypothèse théorique et de constat empirique, Tévoedjrê a mené des combats très forts pour le peuple. A la conférence nationale par exemple sans oublier ses coups de boutoirs contre le régime Soglo qui voulait cloner la démocratie naissante. Tout cela a fait que cette personnalité de grand format se définissait lui-même comme une identité pour autrui.

Mais au fil du temps, où il refusait d’aller se reposer, son identité est devenue virtuelle. C’est surtout sous le régime de Boni Yayi que sa mobilité interne dans les réseaux affinitaires du Changement, a agacé plus d’un. Au lieu de faire progresser sa carrière qui s’éternisait, ces contingences ont eu un effet contraire. Résultat, cette mutation biographique avec lui-même, mettait en cause la continuité de ses apparences.

Cependant, en matière de compétences, Tévoédjrê est une dimension unique. La preuve, à la tête de la Médiature du Bénin, l’a réconcilié dans une certaine mesure, au tissu social par sa forte implication dans le jeu du pouvoir des recours des citoyens.
Il a fallu le renoncement du pape le 11 février dernier, pour que la trajectoire s’observe dans cette carrière ad vitam. « Le Pape Benoit XVI m’a inspiré » a laissé à la postérité, Albert Tévoedjrê.

Le pape, à l’aide des modèles plus ou moins explicites du droit canonique, a donné une nouvelle trajectoire cohérente au passé reconstitué et l’avenir envisagé du professeur Tévoédjrê. Grâce à Benoit XVI, il y a une manière d’apprendre et de considérer son champ professionnel sans limite.

Maintenant, il a le sens qu’il donnera à sa trajectoire, sa vision du monde et son cycle de vie. Il ne peut en autrement. Le pape est devenu un modèle impliquant une rupture pour lui. Lui qui a « vécu la politique parce que vivant pour la politique et s’est servi de la politique en se servant » comme le disait Bourdieu, a changé d’avis.
Le pape a donc permis à Tévoédjrê de revoir sa dimension éternelle de l’action politique et de la synchroniser avec les liens physiques, humains et les formes d’engagement spirituel pour un repos mérité.

Titus Folly

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