jeudi, 25 avril 2024 -

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Les fous de Dieu sont-ils des "fous" ?




Peut-on dresser un portrait psychologique des jihadistes, qui combattent au nom de leur religion ? Sont-ils pleinement conscients de leurs actes ? Francetv info a interrogé Jean-Michel Hirt, psychanalyste et auteur de l’essai "Le Voyageur nocturne : lire à l’infini le Coran".

Ils décapitent leurs ennemis, pillent les villages, violent des femmes et font régner la charia dans la terreur, un fusil à la main. Les membres de l’organisation Etat islamique sont en guerre au nom d’Allah. Une guerre idéologique dont les actions, d’une violence rare, horrifient la communauté internationale. 
 
Les quelques témoignages de proches d’apprentis jihadistes évoquent leur isolement, leur embrigadement, une forme de déconnexion avec la réalité. Peut-on brosser un portrait psychologique de ces fous de Dieu, qui combattent et massacrent des populations au nom de leur religion ? Sont-ils pleinement conscients de leurs actes ? Francetv info a interrogé Jean-Michel Hirt, psychanalyste et auteur des essais Le Voyageur nocturne : lire à l’infini le Coran (Bayard) et Paul, l’apôtre qui "respirait le crime" (Actes Sud).
 
Francetv info : Le fanatisme religieux est-il un champ exploré par la psychologie  ?
 
Jean-Michel Hirt : Non, pas à proprement parler. Bien sûr, il existe des travaux sur la religion qui sont fondamentaux, comme ceux de Freud (L’Avenir d’une illusion, L’Homme Moïse et la religion monothéiste), mais le phénomène religieux reste trop peu exploré par les psychanalystes ensuite. Il y a même eu une époque où, en France, il était presque scandaleux pour un analyste de s’intéresser de façon ouverte au religieux. C’était une affaire classée, on était naturellement athée puisqu’analyste, et la messe était dite, alors que personne aujourd’hui ne peut plus ignorer la religiosité du psychisme, c’est-à-dire la répression du pulsionnel par le religieux ou son inverse : le pulsionnel mettant à son service le religieux pour se déchaîner.
 
On a pu s’imaginer, par exemple, que les pays arabes allaient connaître une évolution comparable à la nôtre, vers la sécularisation, grâce au nationalisme panarabe. On s’est fait de grosses illusions en prenant nos désirs laïcs pour la réalité. Aujourd’hui, il y a urgence à revenir là-dessus, à approfondir les analyses des grandes religions. 
 
Le déchaînement de violence de l’EI est-il une forme de folie ?
 
Un jihadiste n’est pas un "fou", pour peu que ce terme ait un sens. Le "fou", c’est un individu seul, qui est seul dans son monde et qui n’arrive pas à faire partager son monde aux autres. Précisément, les combattants de l’Etat islamique, ce sont des gens qui ne sont pas seuls. Ils sont en groupe, ils se reconnaissent dans un ensemble de références et ils luttent en se servant de la mise en commun de leurs savoirs pour imposer leur tyrannie. 
 
Ces jihadistes ne sont pas très différents de vous et moi. lls souffrent de toutes les pathologies que nous connaissons dans la société : certains sont très névrosés, d’autres délirent, d’autres sont psychotiques ou suicidaires. Ils tentent de résoudre des difficultés psychiques par des comportements dangereux à la fois pour eux et pour les autres. Pour parler en termes freudiens, chez eux, le conflit entre Eros (la pulsion de vie) et Tanathos (la pulsion de mort) tourne à l’avantage du dernier. Puisque Tanathos a l’ascendant, alors Eros se met à son service. Mais encore une fois, il s’agit juste d’une régression qui n’est pas irréversible. Saint Paul lui-même était un homme qui "respirait le crime", disent les Actes des Apôtres, avant de se convertir sur le chemin de Damas, de convertir ses pulsions de destruction pour se mettre au service de la construction de la religion chrétienne.
 
S’ils ne sont pas fous, comment expliquer ces actes qui nous horrifient ? On a l’impression que commettre ces crimes ne les affecte pas, qu’ils le font avec une grande légèreté…
 
Leur idéal mortifère a pris toute la place dans leur personnalité. Comme tous les passages à l’acte, les crimes que les jihadistes commettent se font dans une sorte d’aveuglement, de sidération de la conscience. La plupart des individus qui se retrouvent en prison pour avoir tué ont du mal à reconnaître ce qu’ils ont fait.
 
Mais on sait, parce que la guerre n’est pas une affaire nouvelle, combien les traumatismes peuvent se révéler considérables, quand les individus en reviennent. Certains ne peuvent plus continuer à vivre normalement et tombent malades. Tuer, ce n’est jamais quelque chose qui se fait comme on avale un verre d’eau. Aucun criminel n’est à l’aise dans sa culture et bien dans sa peau. Ce sont des individus qui souffrent de profonds troubles psychiques qu’ils n’arrivent pas à résoudre et qu’ils projettent violemment sur autrui. 
 
 
Par quel processus psychologique en sont-ils arrivés là ?

 

Tout commence par le refus de l’altérité et de la différence. On refuse d’accepter ce que l’on ressent, et qui nous dérange, et on accuse l’autre d’être responsable de la crise ou de ce qui fait qu’on est mal dans sa peau. Ensuite, c’est la fuite en avant. Tous les individus connaissent un conflit entre ce qu’ils sont et ce qu’ils devraient être, ou ce que l’on attend d’eux. Or, le fanatique n’accepte pas ses contradictions et déplace ce conflit hors de lui. Autrui devient donc une cible. Il se dit : "Ce n’est pas moi qui suis déchiré entre le bien et le mal, c’est l’autre. Donc, si je supprime l’autre, ça ira mieux." C’est à la fois radical et apparemment confortable, car l’individu semble avoir résolu son conflit intérieur. Mais en fait, c’est une attitude très infantile.
 
Un adulte doit, au contraire, parvenir à intérioriser et le mal et le bien, de façon complexe. Or, parce que le fanatique religieux rejette le mal sur l’autre, il cherche par tous les moyens à légitimer cette opération psychique, notamment en se faisant l’ennemi de toute interprétation des textes sacrés auxquels il prétend croire. C’est le ressort de tout fondamentalisme religieux, pratiquer une lecture littérale de ses textes de référence. Plus de métaphore, plus de double ou triple sens, les mots deviennent des mots d’ordre. Il n’y a pour lui plus qu’un seul sens dans une parole d’Evangile ou un verset du Coran. Tout est devenu injonction, comme si la religion relevait du code de la route. "Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens" est le drapeau sanglant des fanatiques à travers les siècles, quand la religiosité de leur psychisme se met au service de leurs pulsions destructrices.
 
Des fanatiques s’en tiennent aux prêches, d’autres prennent les armes. Que signifie ce passage à l’acte ?
 
Le passage à l’acte constitue une transgression supplémentaire, qui correspond à une tentative désespérée de résoudre par la violence destructrice les conflits qui habitent le fanatique. La conviction que "moi et ceux qui sont comme moi représentent le bien" permet de donner libre cours à des pulsions que nous avons tous en nous, mais avec lesquelles la plupart des gens s’organisent de manière constructive. La question, aussi, c’est comment la société dans laquelle on évolue, avec ses normes et ses valeurs, nous incite à nous précipiter ou pas vers des actes destructeurs. En temps de guerre, par exemple, la société nous autorise à tuer, pas en temps de paix. Tout est réversible.
 
Que dire des femmes qui partent en Syrie pour vivre selon la charia, mode de vie qui bafoue pourtant leurs droits fondamentaux ?
 
Ces femmes s’imaginent qu’en changeant radicalement de vie, elles vont connaître la paix intérieure, voire le bonheur. Elles font ce pari, à partir de la façon dont elles vivent difficilement leur histoire personnelle et les conflits psychiques qui les traversent. Combien d’enfants se sont rebellés contre leurs parents ? Aujourd’hui, une forme de cette révolte liée à l’adolescence, à la misère sociale, à l’ignorance de la grandeur culturelle de l’islam passe par cet engagement absurde et criminel. C’est pourquoi certaines familles musulmanes ont besoin d’être aidées pour permettre à leurs enfants de sortir de leurs impasses. Cela suppose une mobilisation de toute la société, que l’islam ne soit plus ostracisé ou caricaturé, que ses valeurs spirituelles et libératrices soient reconnues et encouragées.
 
Vous citez l’Evangile comme le Coran… Toutes les religions peuvent créer des sujets radicalisés  ?
 
Tout à fait. Ce n’est pas la religion qui suscite de la haine. Il n’y a que des gens qui instrumentalisent des religions pour vivre leur haine. Même les bouddhistes se montrent parfois violents. L’élément clé, c’est le contexte psycho-culturel. S’il vous garantit que l’acte criminel que vous accomplissez est ce qu’il y a de mieux à faire, vous en retirez un grand bénéfice psychique. La même chose se passe dans la mafia, où le crime est perçu comme une initiation, un rite d’appartenance pour des gens qui se trouvent exclus ou se vivent comme rejetés par leur société.
 
Si vous receviez un jihadiste en consultation, que lui diriez-vous ?
 
Je lui dirais qu’il est sauvé ! Que si quelqu’un fait cette démarche, c’est qu’il a déjà fait un bout de chemin pour sortir de cette culture de mort. Cela signifierait que les questions qui se posent à lui ne vont pas se résoudre par le passage à l’acte, mais par la recherche de ce qui l’anime, par la connaissance de son désir et de la façon dont il peut l’incarner. Sa réponse par le langage et l’exploration de son monde interne sera pour lui plus constructive.
 
Nous avons tous connu des situations qui étaient très limites, parfois proches de la dépression grave, du suicide ou même du crime, des situations propices au passage à l’acte. Face à cela, beaucoup ont réussi à trouver dans le travail psychanalytique la possibilité de s’en sortir autrement. Encore faut-il trouver quelqu’un qui écoute, et qu’ils aient le courage d’être écoutés. Il faut beaucoup se confronter à ses dieux et à ses démons intérieurs.
 
Propos recueillis par Ariane Nicolas/ Francetvinfo.fr
 
 
 
 
 
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