(Par Gontran Vidjinnagni)

Tout a commencé avec l’arrestation et la garde à vue de Patrice Talon pour un soi-disant trop perçu de près de 4 milliards de francs Cfa dans une affaire encore nébuleuse de subvention d’intrants agricoles pour le compte de la production cotonnière 2011-2012. Après avoir été humilié pendant plus de 24 h au commissariat central de Cotonou, l’opérateur économique a été par la suite relâché sous la pression nationale et internationale après avoir été présenté au juge. Ensuite, Boni Yayi a ordonné la suspension des activités de Bénin Control Sa, société dont le propriétaire n’est rien d’autre que Patrice Talon. Une suspension qui a entraîné la mise au chômage de plus 500 jeunes béninois. Raison évoquée : Talon n’aurait pas respecté les clauses du contrat qui lie sa société à l’Etat béninois. Du coup, les ministres sont envoyés en tournée d’explication pour sensibiliser les Béninois sur le bien-fondé de la décision du chef de l’Etat.

Pendant des semaines, Boni Yayi a employé ses ministres pour convaincre l’opinion nationale que si le port de Cotonou n’est pas compétitif aujourd’hui, c’est la faute de Patrice Talon, que si les recettes douanières baissent dangereusement, c’est cet opérateur économique et que si la vie est chère dans le pays, c’est encore lui. Et comme si cela ne suffisait pas, on est allé défoncer manu militari les magasins d’Atral, une autre société appartenant à Patrice Talon, et ramasser tous les intrants agricoles, environ 200 tonnes, qui s’y trouvaient.
Dans la même semaine, un bateau en provenance d’Ukraine, le navire C. Handy battant pavillon Marshall Island et chargé d’intrants agricoles pour le compte de Sdi, société appartenant à Patrice Talon, a été arraisonné dans les eaux béninoises par les militaires de la présidence. Si actuellement, les cotonculteurs et autres producteurs n’ont pas d’intrants pour leur production, le responsable, c’est encore et toujours Patrice Talon. Tout est orchestré dans le seul dessein d’anéantir un homme. Un homme qui, pourtant, était un ami du chef de l’Etat. Pour preuve, selon nos sources, Patrice Talon aurait entièrement financé sa campagne présidentielle aussi bien en 2006 qu’en 2011.

Que s’est-il passé pour que Boni Yayi décide aujourd’hui de tourner le dos à un ami, un homme d’affaires béninois de surcroît, au point d’user de son pouvoir pour le discréditer aux yeux de tous ? Et dans cette campagne de dénigrement et d’anéantissement, ce n’est pas seulement Patrice Talon qui est visé, mais aussi tous ceux qui sont soupçonnés, à tort ou à raison, d’avoir des accointances avec l’homme d’affaires. Une façon pour le chef de l’Etat de "régler ses comptes" à son ex-ami qu’il considère aujourd’hui comme son ennemi juré. L’accusant de lui tirer dans le dos.

Ainsi harcelé, acculé et asphyxié économiquement, Talon deviendra fragile, n’ayant plus à sa disposition la puissance financière nécessaire qui lui permettra de se défendre. Le pouvoir dit-on est comme l’alcool. Au premier verre, on est joyeux comme un agneau : doux et gentil. Au deuxième verre, on devient si puissant, fort et craint. Au troisième verre, on est à la fois craint et vomi. Le pouvoir est aujourd’hui monté dans la tête de Yayi à telle allure qu’il se sent si fort, si puissant qu’il est en train de bafouer sa gouvernance par des comportements qui ne sont pas dignes d’un président de la République.

Pour le moment, il encaisse les coups...

Devant un tel acharnement du gouvernement, Talon n’a jamais jeté l’éponge. Depuis que le combat entre lui et ses détracteurs a été enclenché, par le biais de ses avocats il n’a jamais cessé de monter au créneau balayant d’un revers de main toutes les allégations mensongères du gouvernement. Il a toujours accepté de croiser le fer avec ses adversaires refusant de se transformer simplement en victime. Il a accepté de se battre pour se maintenir, comme l’aurait fait tout bon et courageux homme d’affaires.

Pendant des semaines maintenant, Patrice Talon n’a point abandonné ses employés, ses collaborateurs, s’inquiétant profondément de leur sort, et de celui de son pays, préférant aller au combat plutôt que de se tenir à carreau. Il vient ainsi de prouver à tous les Béninois son courage et son patriotisme. Pour Boni Yayi, ses compatriotes viennent de le comprendre, tout se résume à lui et à lui tout seul. Après lui, ce sera le déluge. Boni Yayi s’est métamorphosé comme aucun président de la République au Bénin ne l’avait jamais fait auparavant. Parce qu’il bénéficie des pleins pouvoirs que lui confère sa présidence, Boni Yayi est devenu méconnaissable. Ses agissements contre Patrice Talon montrent sa vraie face à ses concitoyens. La seule image que Boni Yayi est en train de laisser aux Béninois, c’est celle d’un dictateur. Il suffit simplement que Yayi ordonne pour que ses sbires exécutent sans réfléchir.

L’important, c’était la satisfaction de ses désirs et le soin de son image. Contre vents et marrées, Patrice Talon continue à supporter tous les acharnements de Boni Yayi. En dépit des humiliations, en dépit de ce que le président de la République ne manque aucune occasion pour le dénigrer et le traiter de tous les noms, en dépit de ce qu’il fait croire à tous que Patrice Talon ne lui veut que du mal, l’homme d’affaires n’est toujours pas mort. Il encaisse les coups sans jamais les rendre.

Esquiver plutôt que rendre coup pour coup. L’opérateur économique refuse de se laisser entraîner dans ce piège, où il aurait sans doute plus à perdre qu’à gagner. « Pour être un bon homme d’affaires, il faut montrer qu’on sait tenir ses nerfs », prévient un de ses avocats qui juge Patrice Talon "serein, zen et inaltérable". Sur Patrice Talon les attaques et autres provocations semblent rebondir sans laisser la moindre trace. Cette facilité à encaisser les coups est-elle réellement une posture ou un trait de sa personnalité ? « C’est son caractère, il n’a pas forcément envie répondre à ces provocations », prétend un de ses proches. Il a toujours privilégié le dialogue et la négociation plutôt que l’affrontement. Mais jusqu’à quand privilégiera-t-il tout cela ? En tout cas, Patrice Talon ne mérite pas tout ce qui lui arrive…