(Par Roger Gbégnonvi)
Le Bénin, dont ne parlent plus beaucoup les media internationaux, semble avoir, accrochée à son ciel, sa petite bonne étoile qui le préserve des malheurs fracassants (guerres, bourrasques, éboulements, maisons emportées), pour ne lui laisser en partage que les malheurs terrifiants, par tous partagés. Ainsi le sida est-il encore parmi nous parce que la planète entière en est peu ou prou infestée. Ebola viendra-t-il au Bénin sous prétexte qu’il est déjà à ses portes au Nigeria ? Chaque soir, nous touchons du bois. Au petit matin, rien. Et nous retouchons du bois. D’ailleurs, pour le tenir et le maintenir en respect et hors d’état de nuire, nous avons pris des mesures dont deux au moins ont fait rigoler le bon Dieu.
L’autre jour, à une messe mondaine et alimentaire, surprise : le célébrant saute à pieds-joints par-dessus l’épisode ‘‘Frères et Sœurs, … donnez-vous la paix’’. Et il est vrai que l’archevêque a interdit récemment, pour cause d’Ebola, les effusions fraternelles et sacramentelles. Un joli pan d’une belle liturgie tombe à l’eau pour ne pas laisser libre cours à des fluides-Ebola mortifères. Le même archevêque a ordonné, pour les mêmes raisons, que les communiants reçoivent la sainte hostie au creux de la main et non plus sur la langue, alors que, juste avant, des prêtres intégristes couvraient d’un regard foudroyant les fidèles qui osaient tendre la main au lieu de la langue. Un dogme-épouvantail terrassé par Ebola, et les zélés curés y perdent leurs plumes et leur caractère usurpé de grands féticheurs.
Mais dès qu’on sort de l’église, où l’on n’a pas serré de main et pas sorti la langue pour qu’Ebola n’aille pas croire qu’on l’invite à domicile, c’est pour marcher dans des rues et des ruelles jonchées de toutes sortes de saletés qu’on a jetées là comme dans une poubelle à ciel ouvert, c’est pour recevoir et donner des billets de banque si triturés et si crottés qu’on devrait porter gants et cache-nez pour les manipuler afin de ne pas être envahi par les microbes dont ils sont porteurs à l’œil nu, c’est pour circuler dans Cotonou dont les pédiatres, soucieux de l’avenir des bébés, parlent en termes d’immense réservoir de maladies, aujourd’hui inconnues, pour lesquelles il faudra inventer demain des médicaments nouveaux. Au regard de ces boulevards et espaces que nous avons laissés ouverts à la libre circulation des germes pathogènes, était-ce bien la peine de casser liturgie catholique et dogme-épouvantail pour espérer qu’Ebola au Bénin ne viendra pas ? Plaise á Dieu que nous n’ayons frôlé l’impiété et le blasphème pour faire croire à l’OMS que nous sommes à la pointe du combat contre Ebola, et qu’elle doit donc se dépêcher de nous envoyer beaucoup d’argent que nous nous dépêcherons de détourner à des fins personnelles et égoïstes sur fond de notre cynisme assumé, sereinement assumé, comme toujours. Plaise à Dieu !
Un pasteur libérien a cru devoir prêcher à ses concitoyens qu’Ebola était la juste réponse envoyée par Dieu pour les punir de leurs nombreux péchés, notamment le péché d’homosexualité. N’était-ce les droits de l’homme, seule religion qui vaille aujourd’hui, seule religion consensuelle, on arracherait la parole à ce curaillon et on l’enfermerait au purgatoire pour l’éternité car, du haut de sa chaire, il a insulté l’homme souffrant. Le seul péché collectif des Libériens – péché mortel dont les Béninois savent se préserver – c’est celui de la guerre civile atroce, qui a duré plus d’une décennie, a renforcé la misère du peuple aux prises avec la pauvreté, et amené hommes et femmes à tout manger pour la survie, tout et n’importe quoi, y compris le gibier mort en putréfaction. Résultat ? Ebola !
Or donc, pour qu’Ebola au Bénin ne vienne pas, les Béninois doivent cultiver toutes les propretés, la propreté de leurs billets de banque, de leurs rues et ruelles, de leur cité, et, bien sûr, la propreté de leur gouvernance. On peut être à la fois pauvre, propre et honnête.
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16 septembre 2014 par Judicaël ZOHOUN