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Journaliste et responsable Afrique de la section française de l’Observatoire des Médias pour la Démocratie et la bonne Gouvernance (OMDG-France), MAX-SAVI Carmel est aussi coordonnateur de la section togolaise. Il connaît bien le Togo qu’il suit de près en tant que journaliste et c’est à ce titre qu’il fera, au colloque de Paris consacré à la crise togolaise ce 26 novembre, une communication sur l’implication de la communauté internationale. Nous lui avons posé, juste avant le colloque, quelques questions.
Vous accusez l’Union européenne (UE) de ne plus être compétente sur la crise togolaise. Elle est pourtant le cœur de la communauté internationale….
Je n’ai pas dit qu’elle n’est pas compétente, je dis simplement qu’elle n’est pas crédible. D’abord parce que sa politique africaine glisse lentement de la politique active vrse l’immigration et la lutte contre le terrorisme. Ce qui la pousse, au lieu d’affronter les crises que connaît le continent, de les maintenir dans un état de stabilité conformiste qui en fait des crises dormantes. Cette léthargie profite aux dictatures. Ensuite, depuis le départ de Cathérine Ashton de la tête de la diplomatie européenne, la Grande Bretagne mène en Afrique une politique extérieure solitaire qui privilégie l’économie dans ses anciennes colonies notamment, ce qui n’est pas le cas du Togo. A l’interne, la souplesse ressentie depuis quelques années, grâce aux réseaux de Robert Dussey, ministre des affaires étrangères du Togo, chez les Allemands sur la situation à Lomé a renforcé le régime de Faure Gnassingbé. Enfin, le sous responsable des affaires étrangères de l’UE, Jean Christophe Belliard est trop mou, sans doute traumatisé par le génocide rwandais puisqu’il gérait pour le Quai d’Orsay les négociations qui l’ont précédé, et peu efficace et son directeur Afrique Voen Vervaeke est influencé par les loges de Louis Michel, ancien commissaire européen, proche de Lomé et cité par la presse comme « à la solde de Faure Gnassingbé et très corrompu ». Il faut ajouter à cela l’arrivée d’une nouvelle ambassadrice de l’UE à Lomé, Mme Cristina Martins Berreira qui me semble avoir une approche superficielle de la crise. Elle va en fuir la complexité et se livrer au simplisme alors que la crise togolaise est justement complexe.
Et la France alors ?
Elle a trois limites toutes aussi importantes les unes que les autres. Primo, la France est ancienne colonie, ses présidents successifs notamment Chirac et Sarkozy ont été souple à l’égard du régime. Le premier pour pérenniser la françafrique gaulliste, le second pour favoriser le retour et l’hégémonie de Bolloré au Port de Lomé. Secondo, Hollande était trop nul sur l’Afrique et de peur d’échouer, il n’a presque rien fait alors que Macron est à la fois réticent sur l’Afrique mais en même temps peu compétent car il ne connaît pas les subtilités tropicales et les susceptibilités africaines. Pour finir, Le Drian, ministre français des affaires étrangères est l’une des dernières icônes de la Françafrique traditionnelle. Il est trop militariste et souple avec les dictateurs. Qui pis est, il est un pilier du réseau breton favorable à Faure Gnassingbé.
Il ne reste que l’Union africaine et la Cedeao…
La première est un ramassis de chefs d’Etat non élus et mal élus avec peu de démocrates. Son fonctionnement ne lui permet aucune objectivité et son actuel président, Alpha Condé, non seulement soutient le régime de Lomé mais alimente les velléités d’un troisième mandat chez lui en Guinée. Comment demander à quelqu’un qui est crisogène chez lui de venir régler une crise ailleurs ? La seconde organisation, la Cedeao, est trop versatile et prend ses résolutions à la tête du client. Dirigée par Marcel de Souza, beau-frère de Faure Gnassingbé, elle est présidée actuellement par le président togolais lui-même. Vous imaginez-vous son impartialité (éclat de rire). Elle n’a pas pu, contre la volonté du Togo et de la Gambie, imposer la limitation de mandat en 2014. Les deux pays s’étant opposés. La Cedeao est compétente pour les questions économiques et intégrationnistes mais politiquement enrayée.
A vous entendre, il faut écarter la communauté internationale ?
Non, il faut adapter son implication à la réalité de terrain et penser à une médiation libre et sous régionale mais surtout multi-céphale. On sait par exemple que Talon est hostile aux mandats multiples, que Macky Sall est pro-démocratie, que Buhari a une forte influence sous-régionale et que l’actuel président du Ghana est très percutant sur le Togo.
Il faut donc choisir l’un d’entre eux ?
Non, il faut les associer. La crise a trop duré, pour la conjurer une fois de bon, il faut une médiation de haut niveau menée par des hommes fiables sur le sujet et avec des pressions fortes pour que le régime fasse des concessions sensibles. La Communauté internationale pourra accompagner la médiation et en être garante. C’est Faure Gnassingbé qui bloque tout depuis son palais de Lomé II.
Propos recueillis par
24heuresaubénin