L’engouement autour du phénomène de Banamè, l’équipe de La Croix est allée enquêter.
Dimanche 25 septembre, nous arrivons à Banamè à 10h15. Une foule de fidèles nous attend. Banamè se trouve à 12 km environ de la ville de Covè. Le curé de la paroisse, le Père Valentin Vitouley, nous accueille avec joie et empressement. Il nous aide à déposer nos sacs et nous installe pour la messe qui commence à 10h30.
« La messe se dit habituellement à 7h, mais avec le phénomène Parfaite, beaucoup de nos fidèles ont déserté l’Eglise. La chapelle est devenue quasi vide. Pour soutenir la communauté et encourager le petit reste, Mgr Houndékon envoie de Bohicon chaque dimanche, les membres du groupe Padre Pio. Nous avons donc changé l’horaire de la messe pour leur permettre de participer à l’Eucharistie qui se célèbre désormais à 10h », explique le curé. La chapelle, une charpente couverte d’un toit de tôles, est remplie aux 3/4. « Ceux qui sont partis commencent par revenir.
C’est cela qui explique l’affluence aujourd’hui malgré l’absence des membres du groupe Padre Pio. Mais dans la semaine, ils participent aux manifestations de Parfaite. Elle envoie des émissaires pour écouter ce que je vais dire à l’homélie. Dès qu’on commence par parler d’obéissance à l’Eglise, les partisans de Parfaite manifestent leur mécontentement dans l’église. Ils en sont venus à proférer des menaces. Nous ne sommes pas en sécurité », commente l’Abbé Vitouley avec regret.
La messe est animée par une quinzaine de jeunes filles et garçons de la chorale hanyé et de celle des jeunes. « Nous avons dû fusionner les deux chorales de la paroisse pour animer les messes dominicales, explique le curé. La quasi-totalité des choristes de la chorale hanyé sont partis. C’est pourquoi les enfants chantent en français et en fon ». Avant la communion au Corps du Christ, le Père Valentin rappelle à ceux qui sont sur le coup de l’excommunication à cause de leur appartenance au groupe de Parfaite de s’abstenir de s’approcher de la table sainte. « Malgré l’instruction de Mgr Eugène Houndékon, certains partisans de Parfaite tentent de communier. Je les connais. Beaucoup sont venus à la messe. Ils ne mesurent malheureusement pas la gravité de leur acte parce qu’on leur dit que c’est leur droit de communier »déplore le Père Vitouley.
A la sortie de la messe, pendant que des fidèles quittent la paroisse, quelques enfants se rassemblent en un petit cercle pour prier et chanter. D’autres groupes de fidèles discutent entre eux. Quelques-uns se rapprochent de nous et nous saluent chaleureusement. Gabriel Tobossou, 50 ans, secrétaire du conseil pastoral paroissial, nous présente un couple, M. Luc Amonlo, 28 ans, artiste plasticien et sa femme Marie Lucrèce. C’est un couple qui appartient au mouvement de Parfaite et qui continue de venir à la messe du dimanche. « J’ai entendu parler de Banamè au moment où j’habitais Allada. Ma femme était gravement malade. Elle avait mal au pied et ne pouvait pas bouger. Elle sentait des douleurs dans tout son corps. Pendant ce temps, nous vivions également une crise financière. Quand j’ai entendu parler de ce qui se passe à Banamè, je suis arrivé avec ma moto et je me suis installé dans le village. J’ai rencontré Parfaite.
Elle m’a demandé de lui réaliser un tableau avec les paroles de la prière dénommée ‘Notre Père qui est sur terre à Banamè’ ». Il est convaincu que Parfaite est l’incarnation de l’Esprit-Saint et de Dieu le Père : « Cette jeune fille déclare qu’elle est Dieu. Même Jésus n’a pas dit cela. Si elle a le courage de le dire, c’est qu’elle l’est vraiment ». Il affirme : « Parfaite a prié pour ma femme, et depuis, elle est guérie. Un être qui réalise tant de miracles ne peut qu’être Dieu ».
Sa femme confirme : « nous n’avons plus jamais eu de problème dans notre foyer ». Puis elle avance en claudiquant cependant. « Nous avons la paix du cœur », ajoute Luc Amonlo. Ce couple marié religieusement à l’Eglise, autrefois très engagé sur la paroisse de Banamè, est maintenant tout dévoué pour la cause de Parfaite et du Père Mathias.
Par contre, Gabriel Tobossou est catégorique : « Parfaite n’est pas Dieu. Moi, je n’y crois pas ». Jeanne de Chantal Kossouho, 33 ans, trésorière du conseil pastoral paroissial, détermine deux critères de discernement qui lui font dire que Parfaite et ses amis sont menés par le diable. « Quand on analyse le phénomène de Banamè, on se rend bien compte que c’est contraire à la foi chrétienne et à la volonté de Dieu. Ces gens sont conduits par le mensonge et la course à l’argent. Leur théorie se base d’abord sur des mensonges. C’est un tissu de contre-vérités.
Un exemple : Mgr Houndékon est venu cette année pour la confirmation à Banamè. L’Eglise était pleine. Mais les gens qui soutiennent Parfaite ont raconté que tout le monde a déserté l’église, laissant seul Mgr Houndékon ; ce qui est un grand mensonge. Par ailleurs, sur leur prétendue colline sainte, ils font du commerce ; Jésus n’a jamais vendu quelque chose en contrepartie de ses miracles. Parfaite et les siens vendent de l’huile, des chapelets, du sel, des bougies. Ce qui se fait ailleurs. Mais eux, ils interdisent à toute autre personne de vendre ces mêmes articles sur la colline ! Que Dieu se fasse de l’argent et que les hommes meurent de faim ! J’en suis convaincue : Dieu n’est pas là-bas ».
Mathieu Yéhoumè, 62 ans, vice-président du conseil pastoral paroissial, explique aussi le phénomène qui, selon lui, est né du goût trop prononcé pour l’argent. « Quand l’Abbé Mathias a commencé son ministère ici, il ne parlait pas d’argent.
Un jour, je suis allé le voir, il m’a dit : ‘quand les hommes ne donnent pas l’argent pour quelque chose, ils n’y croient pas. Je vais exiger désormais aux malades des demandes de messe’. Il a ensuite ajouté à cela la vision et les révélations de Parfaite. Tout ce qui se passe aujourd’hui est un montage pour exploiter la misère des populations ».
Un autre membre du conseil pastoral paroissial, Raymond Djonouhoun, 70 ans, affirme avec vigueur sa foi en Dieu. Il dit avec la force de son âge : « Parfaite est venue ici, possédée par un esprit mauvais. Nous en sommes tous témoins. Nous avons prié ensemble pour elle. Qu’on en vienne aujourd’hui à l’appeler Dieu est une aberration et une déviance regrettables. Les indices de discernement sont clairs.
Par exemple, le chapelet qu’ils utilisent compte 9 grains au lieu de 10. Ils se trompent de chemin, ils ne sont pas dans la vérité. Quand Jésus guérit un homme, il dit : ‘ta foi t’a sauvé’. Mais sur la colline, les malades sont confiés à un guérisseur, frère de l’Abbé Mathias, qui leur prescrit des produits. C’est une véritable secte qui combat l’Eglise catholique. Ils ne savent pas ce qu’ils font. Ils se perdent. On ne peut que prier pour eux ».
Serge BIDOUZO
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6 mars 2013 par Nouvel auteur