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BABYLOWN
Elle montre que la philosophie sociale du pouvoir est d’inspiration tribale. Que ceux qui accèdent au pouvoir se considèrent comme les délégués d’une ethnie ou d’une région et que leur but exclusif est de favoriser les ressortissants de ces régions à l’exclusion de tous les autres. Cette forme de prévarication est inquiétante en tant que philosophie sociale d’un gouvernement qui se veut un gouvernement de progrès dans la mesure où il s’agit d’une montée en puissance et d’une cristallisation de pratiques disparates, commises jusque-là sous le couvert de l’anonymat du favoritisme, de la concussion et du népotisme, et à des niveaux individuels ou de petits groupes.
Lorsque le favoritisme et le népotisme qui ne sont l’apanage d’aucune région, depuis le sommet de l’État, se donnent comme principe le régionalisme, alors il y a péril en la demeure nationale ; il y a danger contre les valeurs fondamentales qui fondent la République, et unissent tous ceux qui devraient être considérés au même titre comme des citoyens. Il y a injustice, et qui dit injustice dit frustration, et révolte légitime.
Ce besoin d’État est consécutif à un déséquilibre socio-économique du Nord par rapport au sud ; déséquilibre et disparités qui ont des raisons structurelles historiques, qui du reste n’affectent pas seulement le Bénin mais qui sont partagées à peu près dans les mêmes rapports par nos voisins du golfe du Bénin comme le Ghana, le Togo ou le Nigéria pour ne citer que les pays les plus proches.
Au Bénin, nous ne connaissons aucune loi de rééquilibrage socioéconomique prenant en compte le déséquilibre structurel entre les régions du Sud et du Nord. Autrement dit, le mal n’est pas pris à la racine et traités mais lorsque l’arbre du déséquilibre a poussé, il fait l’objet de mesures arbitraires et pour ainsi dire choquantes d’émondage ou d’habillage qui heurtent le sens de justice de tout un chacun dans un État de droit. Tout le monde sait qu’au Bénin, dans maints concours de la fonction publique notamment ceux des corps régaliens comme la Police, l’Armée ou la Gendarmerie, il existe une pratique de préemption dont la motivation proclamée est de rétablir une certaine justice. La méthode consiste à fixer des seuils d’admission ou de classement selon les régions. Ainsi dans un concours de la Police ou de la Gendarmerie par exemple on peut être reçu avec 8/20 quand on est du Nord et échouer avec 12/20 quand on est du Sud alors que les candidats ont composé dans les mêmes conditions et subi les mêmes épreuves !
En 2006, ou même à aucune autre échéance d’élections présidentielles sous le Renouveau Démocratique peut-on imaginer qu’un homme du sud devienne la coqueluche électorale des parties du Nord et de leurs ténors qui finissent par en faire leur candidat préféré à l’élection présidentielle ? La réponse est évidemment non ! On l’a même vu lors de la formation de l’alliance nommée l’UN qu’aucun parti ni aucun homme politique d’envergure du Nord n’ont voulu s’y associer. Tous d’une manière disciplinée et unanime comme s’il était des frères utérins, sont restés à l’écart de cette initiative dont la visée nationale était pourtant sincère.
Mais, las, ces tractations à l’arrivée donnent un homme comme TYBO. Dictateur dans l’âme, fils politique d’un autre dictateur, Eyadéma ; un homme qui a fait ses classes au Togo où les 10 % de Kabyè qui y vivent dictent leur loi et font mains basses sur tous les postes importants du pays au détriment et dans le mépris des autres ethnies, y compris les majoritaires !
Alors que TYBO, parce qu’il n’était pas du Nord surjoue son appartenance au Nord, exaspère sans états d’âme les petits travers régionalistes qui bourgeonnent de-ci de-là dans nos pratiques sans jamais oser éclore vraiment : il se fait plus royaliste que le roi. Et ce au prix de la cohésion nationale mise à mal. Du reste, avec TYBO, il s’agit plus d’instrumentalisation que de régionalisme en tant que tel : le pays tout entier est instrumentalisé. Ainsi, le Bénin est le pays qui lui permet d’assouvir son désir complexé d’être Président, de la BOAD puis de la République. Dans son esprit et dans ses actes, le Bénin est ramené à ça. Comme sa fonction présidentielle est ramenée à la justification officielle de ce qui lui permet de jouer les Présidents de par le monde et ce selon la conception qu’il s’en fait ou le rêve idiot qu’il nourrit à ce sujet. L’un de ces rêves est celui du président voyageur qui tourne sans arrêt autour du monde avec de temps en temps quelques escales rapides dans un pays qui s’appelle Bénin.
Quand on a compris cela, on comprend que les cris d’orfraie que poussent certains sur la fraude au concours de la fonction publique ne suffiront pas à arrêter TYBO en si bon chemin. Car pour sa survie, ses fantasmes et sa sécurité politiques, l’homme a encore besoin du régionalisme. Ce travers n’est pas chez lui une simple compulsion mais un acte calculé, délibéré et volontaire, pour justifier son identité nordique putative. On le voit par exemple dans ses nominations qui portent le signe décomplexé du régionalisme ; mais on le voit aussi dans sa soi-disant lutte contre la corruption, où toutes les personnes poursuivies ou emprisonnées sont originaires du sud !
D’un certain côté, on peut le comprendre en partie dans la mesure où les artisans politiques de TYBO et ses concepteurs ne l’avaient forgé et conçu que pour se livrer sous son couvert au pillage des ressources nationales. Le fait qu’ils soient nombreux à tomber au Sud prouvent bien que, loin des justifications républicaines et anti-régionalistes de leur soutien à un homme du Nord, ces faiseurs de roi et leurs complices n’étaient que des bandits politiques intéressés.
À quoi peut servir encore à TYBO son parti pris régionaliste après ses deux mandats dont le deuxième a été arraché au forceps d’un hold-up de sinistre mémoire ? peut-on se demander. Comme Kérékou, son mentor et modèle nordique, l’homme a plus d’un tour dans son sac ; outre le service après-vente de l’identification politique à une région qui lui a servi de tremplin et de sanctuaire politique, TYBO a encore besoin du Nord pour au moins deux raisons.
La première, pour étayer sa comédie du mystère d’une perpétuation au pouvoir via le tripatouillage opportuniste de la constitution ; quitte à ce que, comme Kérékou, il finisse par s’en aller et prenne comme lui l’envergure d’un vrai faux héros de la démocratie—ce qui aurait pour avantage de jeter aux oubliettes les appels à lui faire rendre gorge de tous les crimes contre la démocratie, l’État de droit et l’économie dont son régime infâme aura été l’auteur et la pépinière hors-pair dans l’histoire politique de notre pays.
Comme on le voit, si la fraude au concours de la fonction publique du ministère des finances est répréhensible sur le double plan moral et politique, ce qui constitue la raison de sa gravité est l’élément du régionalisme qui en est au principe. Or, si TYBO et son régime pourri se sont révélés de vrais manieurs du régionalisme en en systématisant les pratiques, force est d’admettre que la possibilité même de l’existence d’une nuisance nationale au sommet de l’État comme TYBO n’est ni le fait de ce dernier encore moins du Nord dont il n’a fait qu’exploiter le légitime besoin de représentativité nationale.
De plus, cette nécessité ne saurait servir de prétexte à des stratégies de bandits politiques en rupture de ban régional. Alors qu’aucun homme politique d’envergure du Nord n’a jamais encore depuis le renouveau démocratique pris fait et cause électoraux pour un homme politique du sud, la facilité prodigieuse avec laquelle le mouvement inverse voit le jour au sud laisse bien penser que loin d’être plus républicains que leurs frères du Nord, ces promoteurs politiques du Sud visent essentiellement leurs intérêts de bandes. Avec tous les risques que cela comporte lorsque leurs manœuvres, comme dans le cas du mouvement qui a porte TYBO aux nues en 2006, se révèle une nuisance à la cohésion nationale et au progrès de notre société. Ce sont ces mêmes promoteurs indélicats, sans foi ni loi, qui poussent des cris d’orfraie et, la main sur le cœur, viennent chanter sous nos fenêtres la sérénade désabusée de leur révolte et de la frustration que suscitent les fraudes inspirées par le régionalisme. Certains de ces malins qui jouent les révoltés aujourd’hui, hier encore, étaient dans les caravanes électorales de Bio Tchané qu’ils nous présentaient avec les mêmes arguments pseudo-républicains et pseudo-nationalistes comme le bon choix.
Or, la vérité est que pour eux, faire le choix de Bio Tchané n’était qu’une stratégie de garantie et d’optimisation de leur chance de se voir remerciés comme ministres, ambassadeurs, directeurs, etc., sachant que cette chance est infiniment plus problématique s’ils se mettaient aux côtés d’un homme du sud ou ils seraient noyés dans une masse de concurrents.
Pour lutter contre le régionalisme, il faudra éliminer la culture de clientélisme pararégional dans un contexte culturel et mental qui reste déterminé par le régionalisme. Tant que les choix bruyants des bandits politiques du Sud pour un homme politique du Nord cacheraient l’incapacité ou le refus de s’unir entre sudistes, tant qu’ils ne seront qu’une stratégie de contournement de la concurrence aux postes qui est plus rude au sud qu’au Nord, alors le régionalisme a encore de beaux jours devant lui !