851 visiteurs en ce moment
(Par Roger Gbégnonvi)
Janvier 2017 nous aura offert trois piques religieuses. Des échauffourées incendiaires après une longue séance de prière sur une place publique avec une foule nombreuse et intense en dévotion. Quelques morts mystérieuses en pleines séances de prières rituelles en petits groupes dans des domiciles privés. Une soudaine montée d’adrénaline chez certains croyants à l’évocation de l’interdiction des prières dans les rues. A cette troisième pique, le Chef de l’Etat réagit : ‘‘Tout ce qui touche à la religion, il faut savoir en parler avec calme.’’
Calme en effet, car l’Etat du Bénin, pilote d’une République laïque, se doit d’être le meilleur garant de l’expression et de la pratique libres de toute religion. De tout athéisme aussi. La République laïque conséquente se veut un haut lieu d’œcuménisme. On ne peut que s’y sentir à l’aise, que l’on adore Dieu ou pas, et quel que soit le Dieu que l’on adore.
Calme en effet, car l’histoire enseigne qu’en matière d’expression et de pratique de la religion, les choses s’ordonnent d’elles-mêmes. Au moyen-âge, quand le Pape régentait le spirituel et le temporel, il n’y en avait que pour le catholicisme romain en Europe, catholicisme qui revendiquait tout l’espace disponible. Processions de la Vierge, du Saint-Sacrement, du Sacré-Cœur, etc., prenaient possession des rues, sanctifiées dès lors autant qu’embaumées par les prières et l’encens montant vers le Trône de Dieu pour sa plus grande gloire. Pendant ce temps, venaient à l’existence Gutenberg et son imprimerie, la Renaissance et son esprit critique, Luther et sa révolte, Voltaire et ses lumières, Fleming et sa pénicilline, et la campagne s’urbanisait, et la mortalité infantile décroissait, etc., tant et si bien qu’en ce XXIème siècle, l’expression et la pratique religieuses en Europe se font à l’intérieur des lieux conçus expressément pour elles. Loin de s’en plaindre, les croyants s’en félicitent.
Au Bénin, où l’on considère qu’aucune religion n’a l’exclusivité de Dieu, les religions endogènes et les religions importées vivent en bonne intelligence et, quand elles débordent de leurs couvents et temples dans les rues, elles s’y côtoient sans prétention ni aucune forme d’arrogance. Ainsi, c’est dans le halo du vaudou que Porto-Novo s’identifie à l’Epiphanie, Grand-Popo à la Pentecôte, Savalou à l’Assomption, Ouidah à l’Immaculée Conception, etc., pour attester qu’au Bénin, la religion a droit de cité et pignon sur rue.
Mais que nul ne s’y trompe, les mêmes causes produisant les mêmes effets, il en sera au Bénin comme en Europe en matière d’expression et de pratique religieuses. Aucun mimétisme, mais simple pragmatisme. On ne pourra pas toujours processionner en foules compactes et dévotes dans les rues de nos villes pour le long Chemin de Croix du Vendredi-Saint, ni s’étaler au bord des rues pour la Prière du milieu du jour ; les morts, revenus en puissance et gloire, ne danseront plus dans les rues car, la démographie, l’habitat, les voitures, etc., ne laisseront plus de place pour de telles festivités. Leurs organisateurs devront peut-être louer à l’Etat ou aux municipalités certains grands espaces clôturés, tels les terrains de sport, pour les manifestations religieuses á grand renfort de foules dévotes. C’est pour aujourd’hui. Car les évolutions, étalées sur des siècles en Europe, se réaliseront au Bénin le temps de dormir et de se réveiller, à cause de l’accélération de l’histoire.
Gouverner, c’est prévoir. En envisageant, ‘‘avec calme’’, d’interdire que l’on continue de transformer les rues en oratoires, le Gouvernement ne fait que préparer les esprits à ce qu’il faut bien appeler une fatalité de l’histoire. Ce à quoi il faut bien ajouter que, à son corps défendant, l’Etat renforce la théologie mystique, laquelle invite les croyants á servir Dieu en son temple et surtout dans leur cœur, votre cœur pouvant être le seul temple authentique de Dieu, lorsque Lui, que ‘‘nul n’a jamais vu’’, vous a fait la grâce de croire en son existence.