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(Par Roger Gbégnonvi)
Matthieu, l’unique narrateur de cette épopée, de cette épiphanie, est d’une sobriété divinement avaricieuse, une sobriété dont le cœur battant ne bat que de deux propositions : ‘‘Des mages venus d’Orient…virent l’enfant avec Marie sa mère… Ils lui offrirent en présents de l’or, de l’encens et de la myrrhe (2/1-11). Et nous de reprendre en chœur ce cœur battant, de le prolonger, de l’amplifier du point d’orgue de notre générosité humainement grande, de le rendre encore plus beau, de le porter au plus haut de nos désirs les plus beaux.
Si les mages ont offert à l’enfant trois présents, c’est parce qu’ils étaient trois, chacun d’eux portant amoureusement son présent. Et nous de les baptiser : Balthazar, Gaspard, Melchior. Et pour que soient présents tous les peuples autour du berceau de l’enfant, nous avons pris soin que soit parmi les trois mages un Nègre, un vrai, très noir, et qu’il soit entre les deux autres, pour leur permettre d’être vus, parce que le noir est la couleur primordiale, la couleur qui donne couleur aux autres couleurs. Avec Bernard Dadié aux grandes orgues : ‘‘Je te remercie mon Dieu, de m’avoir créé noir / Le blanc est une couleur de circonstance / Le noir la couleur de tous les jours / Et je porte le monde depuis le premier soir.’’
Si les mages ont offert à l’enfant des présents de roi, c’est parce qu’ils étaient rois eux-mêmes. Rois de nulle part et de toute part. Venus honorer l’enfant roi par des présents de roi qui ne peuvent aller qu’à un roi. Et ils se sont mis à trois parce que l’enfant au berceau, don du ciel, est Roi de tous et de tout l’univers. Avec Bossuet aux grandes orgues : ‘‘Celui qui règne dans les cieux, et de qui relèvent tous les empires, à qui seul appartient la gloire, la majesté et l’indépendance, est aussi le seul qui se glorifie de faire la loi aux rois…’’
Aux rois mages le Roi a fait la loi de venir rendre hommage à l’Enfant-Roi à la suite des anges au ciel et des bergers sur la terre. Il a fait à Abraham la loi de reconnaître la Trinité avant tous les saints conciles des empereurs et des papes : ‘‘Ayant levé les yeux, il vit trois hommes qui se tenaient debout près de lui… Il se prosterna à terre. Il dit : ‘Monseigneur, je t’en prie, si j’ai trouvé grâce à tes yeux, veuille ne pas passer près de ton serviteur sans t’arrêter’’’. Abraham dit Monseigneur aux trois. Unité de la Trinité. Le trois unitaire des rois mages. Le trois unitaire des tous premiers – anges, bergers, mages – penchés sur l’Enfant au berceau. Unité de la Trinité toujours déjà présente au cœur de l’Alliance primordiale (18/1-4).
A Porto-Novo le Roi a fait la loi, et la grâce, d’être le serviteur une fois l’an dans le sillage d’Abraham. Porto-Novo qui a fait de l’épiphanie reconnue par les rois mages sa ‘‘fête nationale’’. Porto-Novo qui tient à son nom qu’il tient du Portugal. Et puisque Porto-Novo est ville capitale, tout le Bénin peut s’enorgueillir de cette fête nationale tout à fait locale. L’épiphanie reconnue par les rois mages se veut le lieu et le lien de tous les enfants de Porto-Novo, de ceux d’Abraham dans les églises et les mosquées, et mêmement de ceux qui ne se reconnaissent pas d’Abraham. Tous portés par la même joie dans les rues de leur cité endimanchée. Et l’on chante et danse à Porto-Novo au son du hungan, le tam-tam royal.
A Haïti où se trouve aussi Porto-Novo du fait du Portugal, ce hungan, tam-tam royal, désigne le prêtre Vaudou, dont les fidèles sont partie prenante de l’épiphanie à Porto-Novo. Tous ont trouvé grâce aux yeux du Seigneur. Dans l’unité trinitaire reconnue par Abraham au Chêne de Mambré. Dans l’unité primordiale de tous, hommes et femmes, attelés à la tâche trinitaire d’unité, de justice, de paix. Comme un conte de Noël. Auquel nous allons donner maintenant corps et vie. Au travers de ‘‘nos efforts épurés et sauvés’’. Parce que tu nous auras fait, Seigneur, la grâce que tu fis à Abraham : ‘‘Ne pas passer près de ton serviteur sans t’arrêter’’. T’arrêter pour épurer et sauver nos égarements… Comme un conte de Noël.