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Par
Philippe HOUNKPATIN, Dr.-Ing. en Génie électrique
Ancien DG/SBEE (1990 – 1995)
AVANT-PROPOS
Ceci est un petit essai que j’ai écrit à Brazzaville le 17 Mars 1996, où j’étais en mission (de 14 mois) d’Expert-Consultant, dans le Projet de restructuration des Sociétés Nationales d’Electricité (SNE) et d’Eau(SNDE) du CONGO, au sein d’un Groupement de Cabinets d’Ingénieurs-Conseils (Banque Paribas-Lahmeyer International), financement Banque Mondiale-Caisse Française de Développement.
C’était à la faveur de l’actualité qui se déroulait chez moi, au Bénin, en Mars 1996 : l’élection présidentielle, conclue, comme vous vous en souvenez, par le retour au pouvoir de Mathieu KEREKOU face à Nicéphore SOGLO.
Ayant retrouvé cet écrit dans mes vieilles affaires, je l’ai remis en forme quelque peu sans rien changer au fond, et je le publie à présent, en guise d’hommage post mortem, à la commémoration du 1er anniversaire du décès de l’illustre Président, 14 octobre 2015-14 octobre 2016, espérant très respectueusement que cette publication ne troublera nullement le repos éternel du cher disparu, pour de vénielles piques d’irrévérence ! Alors, mea culpa, et requiescat in pace !
KEREKOU, LES 3 K : Quel sacré bonhomme !
. K comme KEREKOU : Le personnage ne laisse aucun Béninois indifférent, même hors du Bénin. Car indéniablement, il aura laissé sa marque, l’homme du 26 Octobre 1972, le Chef de Bataillon Mathieu KEREKOU, l’homme du Gouvernement Militaire Révolutionnaire (GMR) et l’homme du Discours-Programme du 30 Novembre 1972, qui a bénéficié d’un très grand soutien populaire !
. K comme « KAMARADE » : C’était au bon vieux temps du Communisme Marxiste Léniniste au Bénin, où le 1er personnage de l’Etat, le Président de la République, pouvait être apostrophé par quiconque, Camarade ! Voire, obligatoirement. Donc, vive l’homme de la Révolution Communiste !
. K comme « KAMELEON » : Caméléon, tiré sans nul doute, d’une phrase du Discours-programme que la Révolution militaire du 26 Octobre 1972 avait mis dans la bouche du Chef de la junte (qu’il était), un 30 Novembre 1972, en ces termes : « La branche ne se cassera pas dans les bras du caméléon ! », slogan que crachait à longueur de journée la Radio nationale, « La Voix de la Révolution », pour inculquer au peuple que le Dahomey était désormais en de bonnes mains, s’étant débarrassé, par le coup d’état, de ce « Monstre à 3 Têtes » qu’était le Conseil Présidentiel Maga- Ahomadegbé-Apithy.
Ainsi, Caméléon, simple mot tiré du Discours-programme, est devenu pour tout Béninois, le symbole du Grand Camarade de lutte, Mathieu Kérékou. Mot fétiche revêtant trois significations allégoriques qui se collent désormais au personnage, à savoir :
1- Le caméléon, animal bien connu, avance lentement dans le buisson vers son but, avec tellement de souplesse et de précaution qu’aucune branche d’arbuste ne peut se casser sous son poids : Il prend tout son temps et ne prend aucun risque !
2 - Le caméléon se met instantanément à la couleur ou aux coloris de son milieu, de son environnement, de son entourage : Il s’adapte à toutes les circonstances, à toutes les situations, très opportunément !
3 - Le caméléon, changeant instantanément de peau pour se confondre à son milieu, nourrit la volonté de se camoufler pour se défendre d’ennemis éventuels : C’est un rusé, un stratège, un futé !
En effet, Mathieu KEREKOU, le Grand Camarade de lutte, durant 17 ans de règne sans partage à la tête de l’Etat révolutionnaire Béninois et du régime militaro-marxiste, s’est complètement identifié à son symbole fétiche, le Caméléon ! Et le voilà, en ce mois de Mars 1996, avec un bulletin de vote frappé à l’effigie du caméléon, arrivé à se faire élire par la majorité des Béninois et être à nouveau à la tête du pays, prêt à faire du RENOUVEAU DEMOCRATIQUE instauré par la célèbre « Conférence des Forces vives de la Nation » en 1990 ! Sacré Kérékou ! Sacré bonhomme, Communiste révolutionnaire pur et dur d’hier, désormais conquis au Renouveau Démocratique !
Son adversaire vaincu, Président sortant Nicéphore SOGLO, qui, paraît-il, se prenait pour Hercule (Héraclès de la mythologie grecque), devra désormais aller voir ailleurs, puisqu’il a fini ses « Douze Travaux » : pavages des rues pour faire disparaître les « Coto-trous », renflouer les caisses de l’Etat, rendre le Bénin à nouveau fréquentable, accueillir la Francophonie, etc., somme toute, avec son Parti politique la RB, faire « renaître » le Bénin ! Mais au fait, le Bénin n’a jamais été mort et enterré pour qu’on le fasse renaître ! Tout au plus, il a été très, très malade, et même agonisant. Heureusement que la Conférence Nationale est passée par là et a installé Nicéphore SOGLO qui, comme Premier Ministre, puis Président de la République, a vraiment fait de son mieux pendant 6 ans pour remettre le Bénin debout. Il n’a pas démérité, quoiqu’on dise. Dommage pour les erreurs ou fautes commises !
Ainsi, à l’élection présidentielle de Mars 1996 au Bénin, un Président s’en va, un autre revient :
– Le premier, Nicéphore SOGLO, de son propre aveu (le 12 Mars) durant la campagne électorale, a dit n’avoir pas su souvent écouter les attentes des Béninois, promettant d’y remédier désormais ; mais hélas, ce fut « Dossou, trop tard ! ».
– Le second, Mathieu KEREKOU, (je crois qu’il ne l’a pas dit) a appris la leçon et le peuple Béninois le pense sûrement en lui accordant son suffrage. Souhaitons vivement qu’il a réalisé que le Bénin de 1996 n’est plus celui d’avant 1990 ! Et qu’il lui faudra le diriger en suivant les grands choix incontournables que le pays a faits en Février 1990, à savoir :
. DEMOCRATIE PLURALISTE,
. POUVOIRS ET CONTRE-POUVOIRS régis par la Constitution du 11 Décembre 1990,
. LIBERTES COLLECTIVES ET INDIVIDUELLES,
. VOIE DU PROGRES ET DU DEVELOPPEMENT,
. REFUS DE L’AVENTURISME ET DU MESSIANISME,
. REFUS DE LA DERIVE AUTORITAIRE ET DU POUVOIR PRESONNEL OU CLANIQUE,
. REFUS DU MEPRIS ARROGANT DU PEUPLE ET DE SES SOUFFRANCES.
Il y a eu un candidat perdant, certainement par sa faute : il n’a pas su exploiter de façon heureuse, durant tout son mandat, l’état de grâce dont le peuple l’a gratifié dès le départ comme homo novus. Certaines erreurs ne pardonnent pas.
Il y a eu un candidat vainqueur, j’allais dire presqu’à son insu, puisque propulsé et soutenu par tous les déçus et aigris du régime SOGLO. Il est sûrement conscient que ce n’est pas un chèque en blanc que le peuple vient de lui délivrer, Renouveau Démocratique oblige !
Mais en vérité, le vrai vainqueur de l’élection, c’est le peuple Béninois qui a montré sa maturité politique, sa volonté de décider lui-même de son destin, lequel devra toujours se décliner en :
. Progrès et développement comme objectifs,
. Démocratie pluraliste et alternance comme moyens,
. Valeurs fondamentales de l’homme comme éthique et idéologie !
EN AVANT DONC LE BENIN ! ET QUE L’EXEMPLE PUISSE FAIRE TACHE D’HUILE EN AFRIQUE !
Ph. H. / Brazzaville, 17. 03. 1996 —
Publication : Cotonou, 14.10.2016 / philhoun@yahoo.fr