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L’accouchement à domicile est encore monnaie courante dans certaines localités du département du Mono. Dans la zone sanitaire Lokossa-Athiémé, si bon nombre de femmes reconnaissent les bienfaits d’accoucher dans un centre de santé, d’autres par contre continuent de donner vie à la maison, exposant ainsi leur propre vie et celle du nouveau-né.
‘’Donner vie reste le mystère le plus grand dans ce monde des humains qui résiste encore à la curiosité. En effet, la science a pu faire connaître le processus depuis l’accouplement jusqu’à l’accouchement, mais ne parvient pas encore à savoir ce qui peut se passer exactement au cours d’un accouchement. Il apparaît donc clairement que l’accouchement, le moment où le nouveau-né sort des entrailles de sa mère reste un moment incertain où pour les professionnelles, tout peut arriver, même le pire, c’est-à-dire la mort. Face à cette incertitude, il est recommandé un suivi rigoureux de la grossesse depuis la gestation jusqu’à l’étape fatidique, l’accouchement. Personne ne sait ce qui peut arriver à l’accouchement, même pas nous sages-femmes. C’est un moment d’incertitude totale. C’est pourquoi, nous prenons les mesures d’hygiène et de santé maximales pour éviter le pire. C’est donc suicidaire l’idée même de penser accoucher à la maison loin de toutes mesures d’hygiène’’, explique Pulchérie Oza, sage-femme diplômée d’Etat et responsable de la maternité de l’Hôpital de zone de Lokossa.
Mais force est de constater que malgré tout le risque que cela peut drainer, il y a encore des femmes qui, non seulement ne font pas suivre leur grossesse par des professionnels de la santé, mais accouchent aussi à la maison.
Les raisons d’un tel comportement sont souvent d’ordre économique mais parfois d’ordre culturel.
Les raisons majeures
Si l’on s’en tient aux différentes témoignages des femmes qui se rendent dans un centre de santé pour accoucher, on aurait dit que leurs sœurs qui continuent de donner vie à la maison le font par ignorance. Mais, apparemment, il y a d’autres raisons qui sous-tendent de tels comportements. Au nombre de ces raisons, il y a fondamentalement le facteur économique. Du fait que les maris soient incapables de remplir leur devoir, les pauvres dames, vivant souvent dans des villages reculés, n’arrivent pas à aller en consultation prénatale, mais accouchent à la maison pour ne pas être humiliées par les agents de santé pour leur incapacité à régler les factures.
‘’La première raison est financière. Les dames n’ont pas les moyens pour se faire suivre dans un centre de santé et du coup préfèrent accoucher à la maison.’’, reconnaît Diane Kiki, sage-femme diplômée d’Etat. C’est une situation qui, malheureusement perdure encore dans nos sociétés.
Une gynécologue en consultation dans un hôpital moderne (hôpital de zone de Lokossa)
En dehors de cette raison économique, il y a parfois la situation géographique qui empêche certaines femmes à se rendre dans un centre de santé. Celles-ci sont contraintes d’accoucher à la maison du fait que, soit il n’y a pas de centre de santé proche de la concession, soit pas parce que la voie d’accès est tellement impraticable qu’elles préfèrent avoir recours à une matrone, au risque de leur vie. ‘’Moi, j’ai accouché quatre de mes six enfants à la maison. Mais je fais suivre ma grossesse dans un centre de santé. J’ai toujours accouché sans problème à la maison du fait que le centre de santé est éloigné et souvent quand j’entre en travail, je ne tarde pas avant de mettre l’enfant au monde. En ce moment là, il n’y avait pas de centre de santé à Adohoun. Donc, il fallait se rendre à Athiémé, à 7 kilomètres environs. Aujourd’hui, il y a un centre de santé et on voit de moins en moins de femmes accoucher à la maison. Mais certaines le font quand elles sont surprises par le travail, ou c’est en allant à l’hôpital qu’elles enfantent en chemin’’, confesse dame Kouessiba Loko. D’autres disent que chez eux, c’est ce qui se fait et cela n’a jamais tué quelqu’un. ‘’C’est simple et moins coûteux’’, soutiennent-elles.
L’autre raison qu’on ne saurait négliger est culturelle. Les femmes qui sont dans les couvents et sont interdites de tout contact extérieur, se voient bien obligées d’accoucher dans ces lieux sous la bénédiction d’un guérisseur traditionnel commis à cet effet. Mais de plus en plus, selon dame Philomène Avogniha, cette pratique tend à disparaître. ‘’Si la femme est enceinte avant d’entrer au couvent, quand le moment approche, on précipite les cérémonies pour lui permettre d’aller accoucher en toute sécurité à l’hôpital’’, confie-t-elle.
La pratique de l’accouchement à domicile perdure dans certaines localités du département du Mono, même si les professionnels de la santé reconnaissent que le phénomène est en régression.
Les risques que courent les femmes qui s’adonnent à cette pratique sont énormes et parfois çà peut être fatal non seulement pour la maman mais aussi pour l’enfant qui va naître.
Quand on accroît le risque de mourir en donnant vie
Les praticiens de la médecine moderne sont unanimes là-dessus : c’est simplement dangereux d’accoucher à la maison. Cela expose la mère à de graves préjudices. Les conditions dans lesquelles l’accouchement se fait à la maison n’offrent aucune garantie hygiénique et sanitaire. ‘’Souvent, c’est sur des nattes sales non désinfectées ou sur des pagnes de mêmes caractéristiques. Il faut dire que beaucoup de paramètres de premiers soins échappent aux accoucheuses traditionnelles, n’étant pas du domaine’’, témoigne Pulchérie Oza.
Une femme en plein travail prête à accoucher
Selon la sage-femme, les risques que courent ces femmes sont nombreux et multiformes. ‘’D’abord, l’hémorragie de la délivrance peut entraîner la mort de la mère et de l’enfant, si elle n’est pas maîtrisée à temps. Or, quand on accouche à la maison, on n’a pas les outils nécessaires pour vite l’arrêter. Ensuite, les soins appropriés à donner à la mère après l’accouchement ne sont souvent pas observés. Ce qui peut provoquer l’anémie chez la femme et la conduire dans un état clinique critique. Les femmes qui accouchent à la maison peuvent aussi développer des infections graves du fait que les conditions dans lesquelles l’accouchement a eu lieu ne sont pas propices et indiquées à cause du manque d’hygiène. L’enfant aussi peut être infecté et même mourir de cette infection. Et si ces infections sont mal traitées chez la femme, elle peut avoir les trompes bouchées entraînant ainsi sa stérilité. Enfin, une conséquence qui rend la vie difficile à l’enfant plus tard, est relative à son état civil. Les enfants nés à la maison ne sont ni enregistrés, ni déclarés et des fois les parents eux-mêmes se perdent dans la date de naissance de leur progéniture. Ces enfants sont donc sans acte de naissance et c’est quand sonne l’heure de les inscrire pour examen que tous les problèmes se posent à lui’’, poursuit-elle.
Il apparait donc clairement qu’accoucher à la maison, c’est accroître considérablement les risques de mourir en voulant donner vie. Car si la mère et/ou l’enfant ne meurent pas à l’accouchement, on « tue » de toute façon l’enfant qui n’existe pas parce que n’ayant pas été déclaré et donc sans acte de naissance. ‘’Nous n’avons jamais reçu des déclarations de naissance des enfants nés à domicile. Donc, visiblement ils ne sont pas enregistrés. C’est un peu comme des enfants qui n’existent pas. Les déclarations nous viennent des centres de santé et parfois nous allons nous-mêmes, sur instruction de l’actuel chef d’arrondissement de Lokossa, récupérer les fiches de naissances afin d’établir les actes dans les 24 heures’’, a expliqué Adrien Togbé, secrétaire à l’état civil à l’arrondissement de Lokossa.
Face à toutes ses conséquences fâcheuses, les professionnels de la santé maternelle proposent qu’à côté des efforts que le gouvernement fournis déjà en rapprochant les unités villageoises de santé des populations, des séances de sensibilisation s’intensifient pour que tombent les barrières de tous ordres qui empêchent les femmes de se faire suivre de la grossesse jusqu’à l’accouchement. Car, la qualité de la santé et l’avenir à assurer aux enfants doivent prévaloir sur toutes autres raisons.
Un phénomène en nette régression
Aujourd’hui, le phénomène n’a plus la même ampleur que par le passé dans la zone Lokossa-Athiémé. Les populations ont suffisamment pris conscience et essaient tant bien que mal de respecter les conseils des sages-femmes de leur localité. ‘’Avec la proximité des centres de santé, on assiste de moins en moins à ce phénomène. Les femmes y vont accoucher sans problème. C’est un grand soulagement. Car si moi personnellement, je n’ai pas eu de problème en accouchant quatre fois de suite à la maison, j’en connaissais qui y avaient laissé leur peau et même perdu leur enfant’’, confesse dame Loko, soudainement plongée dans la tristesse en se remémorant certains événements dramatiques.
Une matrone en consultation, mais ce phénomène tend à disparaître
‘’Nous recevons de moins en moins ces cas. Mais des poches de résistance existent. C’est aussi vrai que nous avons des fois recours à des matrones qui les accompagnent pour la délivrance. Mais, on peut toujours dire que les femmes ont compris et que le phénomène prend de recul dans cette zone’’, souligne une des responsable de la maternité d’Adohoun qui a requis l’anonymat. ‘’C’est la preuve que les multiples sensibilisations en la matière et le rapprochement des centres de santé des populations ont été d’une efficacité certaine et le gouvernement doit pouvoir continuer le combat’’, recommande-t-elle.
D’une façon générale et selon les témoignages concordants, il apparaît que le phénomène d’accouchement à domicile est en train d’être conjugué au passé dans la zone sanitaire Lokossa-Athiémé.
Cette pratique que certains qualifieraient d’imprudent et ancestral, est en voie de disparition. Mais tant qu’une seule femme continue d’accoucher à la maison, au mépris des règles élémentaires en matière de santé et d’hygiène, il reste à faire et les autorités compétentes ne doivent pas baisser la garde.
Cokou Romain AHLINVI