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La crise du dialogue social au Bénin : la balle doit revenir au centre et les arbitres à la manœuvre




Edgard GNANSOUNOU
Président de la Communauté des Béninois de Suisse (CBS) et
de l’Observatoire du Dialogue social et des Dynamiques socio-économiques (ODS)

Un vote aux conséquences imprévisibles

A l’occasion d’une série de textes votés par le parlement les 28 décembre 2017 et 4 janvier 2018, le législateur a retiré le droit de grève aux agents des secteurs de la justice et de la santé. Ce vote ouvre une période pleine d’incertitudes sur la qualité du dialogue social dans notre pays. Il ne faut pas se le cacher il s’agit là d’une véritable crise. Mais les acteurs du dialogue social devraient –ils enfoncer le clou et plonger le pays dans une confrontation aux effets dévastateurs ? Ne faudrait-il pas tirer de cette crise les enseignements utiles pour sortir par le haut et renforcer le fonctionnement du dialogue entre l’Etat et ses agents ?
Un acte qui froisse la Constitution
L’article 31 de la Constitution de la République du Bénin précise bien que : « L’Etat reconnaît et garantit le droit de grève. Tout travailleur peut défendre, dans les conditions prévues par la loi, ses droits et ses intérêts soit individuellement, soit collectivement ou par l’action syndicale. Le droit de grève s’exerce dans les conditions définies par la loi. » Selon la lettre de cet article, le domaine de la loi concerne les conditions d’exercice du droit de grève et non son bénéfice et son retrait. Mais il est vrai qu’il appartient à la Cour Constitutionnelle d’interpréter cet article et de décider de la conformité ou non - des textes de loi votés par l’Assemblée Nationale - à la lettre et à l’esprit de notre Constitution. Mais ceci ne doit pas empêcher les citoyens que nous sommes de nous exprimer sur le bien-fondé ou non de ces textes.
Il convient tout d’abord de constater que cette situation n’est pas inédite dans notre pays. Elle nous ramène sept ans en arrière, en 2011 quand, saisie pour contrôle de conformité à la Constitution de la loi n°2011-25 portant « règles générales applicables aux personnels militaires, des forces de sécurité et assimilés en République du Bénin » et consacrant le retrait du droit de grève aux douaniers, la Cour Constitutionnelle avait rendu une décision fondée sur une interprétation minimaliste de l’article 31. Ainsi, la Cour avait estimé que cet article, en disposant que « le droit de grève s’exerce dans les conditions définies par la loi » fait certes du droit de grève un principe à valeur constitutionnelle, mais que le législateur est habilité à en définir les limites en recherchant le compromis nécessaire entre la défense des intérêts du travailleur et la préservation de l’intérêt général. De manière plus explicite, la Cour Constitutionnelle avait déclaré que les limitations apportées par le législateur pouvaient signifier « l’interdiction dudit droit aux agents dont la présence est indispensable pour assurer le fonctionnement des éléments du service dont l’interruption porterait atteinte aux besoins essentiels du pays. » Ainsi, par la décision DCC 11-065 du 30 septembre 2011, la Cour avait autorisé l’interdiction du droit de grève aux douaniers et avait aussi ouvert la possibilité donnée au législatif du retrait à tout agent de l’Etat du droit de grève dès lors qu’il estime que l’intérêt général ou la continuité du service public sont menacés. Dans ces conditions, on voit mal comment la Cour Constitutionnelle se renierait quelques années plus tard. Mais sait-on jamais ?
Et si la crise était salutaire ?
Il faut reconnaître que l’exercice du droit de grève dans notre pays a permis de nombreux abus dont les principales victimes sont les populations les plus démunies. Nous avions eu l’occasion d’attirer l’attention de nos concitoyens sur les limites de cet exercice dans le contexte de notre pays. La majorité de la population qui subit en silence les conséquences des discontinuités des services de santé, de l’éducation et de la justice notamment, n’ont quasiment aucun moyen de pression sur les partenaires sociaux. Ainsi, contrairement à ce qu’on peut en penser, la grève n’est pas forcément efficace sous nos cieux ; par exemple, elle a pu durer, par le passé, plus d’une année dans le secteur de la santé sans que les grévistes n’aient obtenu satisfaction, malgré les sacrifices en vies humaines consentis par les populations pauvres de notre pays. La situation créée par le vote des parlementaires devrait donc conduire l’ensemble des partenaires sociaux à s’interroger sur les limites du syndicalisme corporatistes et de l’exercice inconsidéré du droit de grève. Cette question n’est pas posée uniquement aux syndicats mais aussi aux pouvoirs publics dont la lenteur à apporter des réponses (positives ou négatives) aux revendications des travailleurs est l’un des principaux motifs de cette situation qui persiste depuis plusieurs décennies.
De nombreux secteurs tels que ceux de l’Education et de l’Administration Publique répondent aux critères explicites de retrait du droit de grève contenus dans la décision de 2011 de la Cour Constitutionnelle. Allons-nous alors vers la suppression du droit de grève à tous les agents de l’Etat ? Ceci n’est pas impossible à long terme. En Suisse par exemple, les employés de la Confédération n’ont pas le droit de grève. La Suisse n’est pas, pour autant, un pays de dictature. La conception dans ce pays est que le fonctionnaire de la Confédération est d’abord au service de l’Etat et que les intérêts généraux qu’il sert sont, de loin, plus importants que ses intérêts personnels. Une telle conception demande une maturité civique très élevée qui ne doit pas être obtenue par la violence législative mais par un travail patient et rigoureux nourri par l’exemple vertueux donné par l’élite du pays. Le Bénin n’est pas la Suisse ; les fonctionnaires suisses ont l’un des niveaux de vie les plus élevés au monde et les motifs qu’ils auraient de faire grève sont nettement moins nombreux que dans le cas de leurs collègues du Bénin. C’est la raison pour laquelle, vouloir casser le thermomètre pour faire baisser la fièvre serait plus qu’une erreur, une faute politique. L’image internationale du Bénin s’en ressentirait. Or un des atouts de notre pays est notre Etat de droit et notre Démocratie qui fondent une stabilité institutionnelle et une paix enviées dans la sous-région. C’est, par exemple, cet atout que nous autres de la Communauté des Béninois de Suisse (CBS) valorisons auprès de nos interlocuteurs Suisses. C’est une des raisons pour lesquelles, nous aimerions lancer un appel à l’ensemble des partenaires sociaux afin qu’ils contribuent tous à cette intelligence collective qui permettra le maintien du droit de grève mais son usage modéré par une prise de conscience plus accrue des intérêts des catégories sociales les plus faibles.
Nous aspirons à une société de responsabilité et de respect scrupuleux de l’Etat de droit et des principes démocratiques
La société béninoise a opté pour la démocratie mais pour servir son épanouissement et non pour souffrir et mourir en silence. C’est la raison pour laquelle le respect des principes de la démocratie et de l’Etat de droit doit avoir inévitablement comme pendant la responsabilisation de l’ensemble des acteurs afin qu’ils parviennent à dépasser leurs intérêts particuliers et à servir l’intérêt général avec plus d’entrain.
C’est en pariant sur la nécessité de voir émerger cet esprit de responsabilité que nous invitons :
1) Respectueusement le Président de la République à ne pas promulguer cette loi même si la Cour Constitutionnelle décide qu’elle est conforme à la Constitution
2) L’ensemble des syndicats du pays à observer un moratoire spécial de huit mois sans grève afin de contribuer à ramener la sérénité nécessaire à la recherche d’une solution par le dialogue
3) Les honorables députés à prendre leur part au développement de cette intelligence collective, en évitant de mettre de l’huile sur le feu et en s’abstenant de voter de nouveaux textes de retrait du droit de grève à d’autres catégories d’agents de l’Etat
4) L’ensemble des partenaires sociaux à participer à des assises socio-professionnelles dédiées aux conditions d’exercice du droit de grève dans notre pays. Ces assises pourraient être organisées aux termes du moratoire spécial.

Lausanne, le 18 janvier 2018
Cet article est rédigé dans le cadre du Forum Bénin-Suisse (FBS) et de l’Observatoire du Dialogue Social et des Dynamiques socio-économiques (ODS). Le FBS est un projet initié en 2015 par la Communauté des Béninois de Suisse (CBS) en partenariat étroit avec la Direction du Développement et de la Coopération Suisse (DDC), le Gouvernement du Bénin, les sept Centrales/Confédérations syndicales, et le Conseil National du Patronat du Bénin (CNP).

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