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Mémoire du chaudron 66




Il était déjà 16 heures lorsque j’arrivai dans l’enceinte du Novotel. Pendant que je manœuvrais pour bien me disposer sur le parking, j’aperçois Aboubakar Takou. Ça ne pouvait pas mieux commencer en termes d’indice.

Je l’interpellai aussitôt avec beaucoup d’emphase, comme c’était souvent le cas lorsque nous nous voyions. L’énergie et la joie de vivre qui le caractérisaient faisaient toujours leurs effets sur moi. En plus, il ne tarissait pas de confidence. "Abou, ta silhouette dans ces lieux doit être forcément révélateur de quelque chose, non ?" lui lançai-je, un brin taquin. "Ah, mon frère, j’ai mon gombo à venir chercher ici. Ce sont mes grands frères Didier Aplogan et Maurille Agbokou qui m’ont mis sur la liste. Mais j’étais curieux de ne jamais te voir parmi eux depuis une dizaine de jours que je viens ici", me dit-il en claquant un doigt sur la main que je lui tendais.

Je précise, en passant, que sans être l’auteur de l’expression _gombo_, Takou était celui qui lui avait donné tout un sens dans le milieu de la presse. Dans son registre lexical qu’il maniait sans complexe, l’expression _gombo_ renvoyait à la notion de _bonnes affaires_, pour être moins précis. Et les expressions très imagées et parfois bien fleuries comme _se faire prendre pour une brique de quinze_, _radin_, _tendre les nerfs_, _entrer dans les narines_ qui émaillaient ses textes, les rendraient reconnaissables même s’il ne les signait pas de son nom.

Je dissimulai ma surprise, en lui donnant le sentiment que j’aurais été de l’équipe, n’eût été mon déplacement à l’intérieur du pays. Il se dirigea d’un pas léger et alerte vers le bâtiment central.

Je vis aussi arriver Maurille Agbokou sur le parking, dans une petite voiture "Peugeot 307". La voiture attira ma curiosité parce que j’en avais déjà vue trois ou quatre, stationnées en épis non loin de moi.

En cette année 2006, Maurille Agbokou, qui savait déjà se vendre en tant qu’expert ou "consultant" de beaucoup de choses, avait déjà un certain parcours dans le milieu de la presse. J’avais vu ses signatures dans l’hebdomadaire "Le Forum de la semaine". Il lança ensuite, à Porto-Novo, son propre journal, "Adjinakou", en tenant parallèlement des émissions politiques sur l’une des radios privées de Cotonou, "Radio Planète".

Maurille Agbokou était un personnage de réseau qui savait épaissir son image par les ombres, les non-dits et les petites formules cérébrales. Il me salua avec l’enthousiasme contenu qui le caractérisait, puis je le laissai prendre le pas sur moi, en direction du hall d’accueil de l’hôtel où Takou avait disparu quelques minutes plus tôt. Je voulais marcher seul, y aller à mon rythme, capter le maximum d’informations possibles avant de rentrer dans le hall.

À l’accueil de l’hôtel, J’aperçus immédiatement Charles Toko. Mais il me parut livide, peu rassurant et ne dégageait plus cette énergie que je lui connaissais. Je me rapprochai de lui. Il venait sans doute de fumer et l’odeur du tabac, que je n’avais plus sentie pendant cette dizaine de jours que je passai loin de lui, m’accueillit à nouveau.

Debout, il ruminait quelque chose que je n’entendais pas très bien, puis soupirait bruyamment de temps en temps. "Charles, il y a une réunion ici ? ", demandai-je en lui serrant la main. "Mon frère, va là-bas dans la salle. Les grands communicateurs sont là, en réunion pour gérer la communication de Yayi", me répondit-il.

Un peu perplexe, j’essayai de prendre de nouvelles précisions. Mais il se fit coupant. "S’il te plaît, va voir dedans d’abord", me dit-il. J’empruntai alors un long couloir à droite, puis suivant les indications que Charles venait de me donner, j’arrivai devant une porte que je poussai très délicatement. Une réunion d’une douzaine de personnes s’y tenait. J’hésitai un peu, puis me fis un chemin vers un siège vide au fond, sur la largeur de la petite salle. Avec la disposition autour de la table, je compris que la séance était dirigée par Didier Aplogan, qui nous avait déjà suggéré de vendre Yayi comme du Coca-cola.

Dans la salle, je reconnus beaucoup de visages emblématiques de la télévision nationale. Mais je ne vis pas mon ami Takou que je venais de croiser sur le parking. Les choses étaient donc si bien compartimentées. Les prises de parole, qui s’enchaînaient dans la salle, étaient autant surréalistes que blessantes pour moi. "Il faut maintenant faire les choses de manière professionnelle", avait même déclaré un des participants.

Ah bon ! Ainsi, tout ce que nous avions fait jusque-là, avec l’énergie de nos tripes, n’était donc qu’un travail d’amateur ? Qu’à cela ne tienne, quelle stratégie de communication voulaient-ils bâtir autour de Yayi en cette veille du démarrage officiel de la campagne électorale ? Voulaient-ils lui faire un autre logo ?

C’est quoi la stratégie dont ils parlaient en faisant de si fines bouches ? J’avais compris, avec les indiscrétions de Takou sur le parking, qu’ils avaient signé des contrats avec les journaux. Qu’à cela ne tienne. N’avions-nous donc rien fait avec ces mêmes journaux pendant tous ces mois ?

Je me levai puis sortis doucement de la salle. Je crois que Charles me devait quelques explications. Qui a pu monter cette équipe composée de gens qui ne savaient rien de ce que nous avions fait jusque-là ? Lui, Charles, y avait-il été associé ? Et pourquoi ne m’en avait-il rien dit ? Dans le hall, Charles était toujours là, seul, accoudé à un bout de comptoir. Il déprimait à vue d’œil. "Charles, c’est toujours de Yayi qu’ils parlent dans la salle ? ", lui demandai-je, à brûle-pourpoint. Il répondit par un râle d’impuissance.

Je poussai plus loin le bouchon : "Charles, c’est ton ami Patrice qui a monté l’équipe ? ". Sur cette question, il se redressa comme un vieux ressort, puis me lança : "Tiburce, c’est le jour le plus triste de toute ma vie’’. Cette réponse dans laquelle il mit toute l’émotion comme d’habitude, me parut un subterfuge, un faux-fuyant.

Car il ne me paraissait pas rationnel qu’une pareille équipe soit mise sur pied dans le cadre somptueux de ce Novotel qu’on disait propriété de Patrice Talon, sans que lui-même n’y ait sa main. Mais dans ce cas, l’aurait-il fait sans tenir compte de Charles qui ne jurait que par leur amitié ? Quel était alors, dans ce cas, la vraie perception que "Patrice" avait de Charles ? Ou alors Charles me cachait-il quelque chose ? Par pudeur, j’évitai de m’appesantir sur cette dernière hypothèse. Car je n’avais pas à me plaindre des rapports que j’avais entretenus avec lui jusque-là.

J’avais vu son engagement, j’avais vu son investissement physique et matériel, j’avais vu sa créativité et ses coups d’éclat de génie en matière de communication politique. Je pouvais surtout attester de la très grande courtoisie qui caractérisa nos rapports de travail. Je voulais garder de nous ce souvenir. Je voulais garder le souvenir de ce jour de fin 2003 où, dans son bureau de Atinkanmey, il était à deux doigts de lancer en ma faveur et de sa propre poche, l’achat d’un billet d’avion "Air France", afin, disait-il, que j’assiste, en temps que reporter, à une cérémonie de remise de décoration en faveur de Yayi Boni, président de la Boad, par le président français Jacques Chirac.

Je crois, aujourd’hui, avec le recul, que par complaisance ou manque d’anticipation, Charles a laissé se construire là-bas, au Novotel, le socle de ce qui le poursuivra comme une poisse, tout au long des dix années de règne de Yayi. Si j’avais été présent ou s’il m’avait tenu informé en temps réel, j’aurais sans doute sonné l’alerte dans son esprit. Et peut-être notre histoire aurait-elle été différente.

Après avoir traîné un moment dans ce hall du Novotel, je repartis, frustré et avec la résolution de tourner pour de bon la page de la communication pour cette élection présidentielle. Quelque chose d’autre me passionnait désormais. Je voulais descendre sur le terrain avec le candidat, dès le lendemain.

(✋🏾À demain)

*Tibo*

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25 avril 2018 par Judicaël ZOHOUN




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