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Mémoire du chaudron 81




Natitingou la belle ! Je ne sais plus à quand remonte mon premier séjour dans cette ville aux charmes irrésistibles. Mais, j’y ai vécu mes aubes les plus merveilleuses. La magie de ce décor montagneux apparaît dans toute sa grandeur, au petit matin, à l’heure où, témoin de la naissance du jour, vous vous sentez co-auteur de ce tableau de peintre paysagiste qui apparaît progressivement sous vos yeux. Et lorsqu’on est poète dans l’âme, c’est une expérience exceptionnelle qui vous donne des ailes d’ivresse, cet indescriptible sentiment d’être complice de toute la création.

Je ne sais plus, disais -je, à quand remonte mon premier séjour dans cette ville. Mais, j’y ai gardé le souvenir le plus marquant de mes jeunes années de journalisme : ma rencontre avec le général Mathieu Kérékou. C’était en 2001. J’étais dans l’équipe de presse qui suivait son long périple électoral à travers le Bénin. Notre journée, la veille, avait été particulièrement chargée.

Les meetings électoraux s’étaient enchainés jusqu’à tard dans la nuit. Je me souviens encore de notre entrée dans Kouandé. Ce devrait être la première fois que je découvrais cette ville très présente dans mes cours d’histoire du Bénin aux cours primaires. À quoi comparerai-je Kouandé ? À une ville hors du temps, emmitouflée dans une cuvette montagneuse. Le soir tombait lorsque nous entrâmes dans cette fière citée baatombu dont j’ai déjà vu les habitants afficher des complexes à se faire désigner comme _"bariba de l’Atacora"_.
Une subtile spécificité sociologique du département de l’Atacora.

Cette ville princière me sembla compter autant de chevaux que d’hommes. Notre périple ce soir-là derrière le général Mathieu Kérékou, sembla particulièrement long et éprouvante. Kouandé, Kérou, Péhounco, puis une partie des communes de l’ouest de l’Atacora. Le général était sur ses terres et cela n’était pas à démontrer. C’était la zone où il faisait ses scores électoraux les plus staliniens. Et je ne crois pas que ce fut du fait d’une quelconque fraude électorale. J’ai vu dans ces contrées, des signes d’allégeance au candidat Mathieu Kérékou, qu’aucun mot ne pourrait transcrire fidèlement. J’ai vu des chiens apparemment heureux de servir de supports aux affichettes du général, j’ai vu le moindre arbre au bord de la voie, transformé en panneau d’affichage. Et pourtant, le département de l’Atacora est la région la plus balkanisée du Bénin, d’un point de vue linguistique. Ce dense cloisonnement ethnique explique, à mon avis, le facile rapport qu’ont les populations de l’Atacora avec la langue française qui devient une passerelle utile et obligatoire dans les rapports quotidiens avec le voisin du hameau ou du village d’à côté.

Ce qui n’est pas le cas dans les zones du pays qui présentent une grande continuité linguistique. Le cas par exemple des baribas et des fons qui, dans leurs sphères géographiques naturelles, peuvent se passer d’une langue d’emprunt dans leurs activités quotidiennes. Sur tout le plateau d’Abomey, vous pouvez parler le fongbe sans discontinuer, et vous faire comprendre par n’importe qui. Ce qui n’est pas le cas pour le waaba de Kouarfa qui a besoin du français pour communiquer avec le biali de Matéri ou le somba de Boukoumbé. Car, contrairement aux clichés et aux idées reçues, tous les ressortissants de l’Atacora - ouest ne sont pas somba.

Le général Mathieu Kérékou était waaba ou waama et pouvait ne pas comprendre un traître mot du tamaribe de Théophile Nata. Et la cicatrice raciale nattée du vieux caméléon présente des nuances avec d’autres cicatrices raciales nattées de la même région. Pas simple ! Je vous vois vous embrouiller. Revenons donc à notre récit. Les sociologues et les linguistes s’occuperont du reste.

Notre périple de la veille avec le général Kérékou avait finit très tard, au-delà, je crois, de une heure du matin. La dizaine de journalistes que nous étions, passâmes dans un dortoir inoccupé de l’École normale intégrée, ENI. La bonne nouvelle qui nous fit réveiller très tôt le lendemain matin, c’est que le général voulait nous rencontrer.

Notre excitation était grande lorsque notre minibus s’engagea dans cette ruelle calme et pavée. Il stationna devant une modeste maison à étage. Malik Gomina qui, en ce moment, exerçait déjà des talents d’homme de réseau, avec un certain penchant pour les milieux du pouvoir, nous fit attendre dans le véhicule et descendit seul. Il s’introduit facilement dans le domicile d’où il ressortit une dizaine de minute plus tard. Entre-temps, Christophe Hodonou, un de nos confrères, nous raconta l’histoire de ce domicile de Kérékou qui lui aurait été construit de force par un de ses admirateurs. Un peu décalé, en face de la modeste résidence, se trouve le domicile d’un autre acteur de l’histoire contemporaine du Bénin : Maurice Iropa Kouandété. Malik Gomina nous invita à descendre et à le suivre. Nous rentrâmes en file indienne dans la petite cour de la résidence sous le regard austère de deux ou trois gardes du corps habillés en blue-jeans. Après quelques atermoiements sur la véranda, on nous fit entrer dans le séjour. Je trouvai le mobilier étrangement sommaire et sobre. Il n’y a pas suffisamment de sièges pour tout le monde. Pas grave. Nous nous coinçâmes de manière à laisser un fauteuil vide pour le maître des lieux.

Puis, ce fut un silence plat. Kérékou ne venait que très rarement ici, mais ce n’était pas une raison pour que le lieu manque autant de goût, pensais-je. L’image de ce petit bâtiment colonial jaune-pâle, aux allures de bureau de poste qui lui servait de résidence principale au carrefour des trois banques à Cotonou, me revint à l’esprit. Quel homme quand-même, ce Kérékou, me disais-je silencieusement.

Soudain, des bruits de pas se firent entendre dans le couloir. Un garde qui était debout, à côté du siège laissé libre, nous fit signe de nous mettre debout. Kérékou apparut dans un costume gris sur une chemise bleu boutonnée jusqu’à la gorge. Il promena un regard sombre puis sembla se parler à lui-même. Il entreprit de nous serrer individuellement la main. Lorsque je serrai à mon tour cette poignée, je photographiai dans ma mémoire et pour toute ma vie, le dos de sa paume où saillaient quelques poils duveteux et grisonnants . Il y a dans toute vie, des instants qui ne s’oublient pas. Je venais enfin de serrer la main à l’homme du 26 octobre 1972.

Chacun de nous déclinait son identité quand le général lui tendait la main. Quand fut venu le tour de notre confrère Christophe Hodonou, Kérékou marqua une surprise. _"Monsieur Hodonou, vous êtes aussi là ?"_, dit-il. Le premier à être pris au dépourvu par la réaction du vieux caméléon, fut Christophe Hodonou lui-même. On le voyait à cette grimace indescriptible qu’il fit en guise de réponse. Le général finit le tour et alla s’asseoir. Il promena encore ce regard sombre dans la salle, puis lança : _"alors ça va ? J’espère qu’ils vous donnent à manger"_, puis il enchaîna aussitôt : _"on ne m’avait pas dit que les journalistes étaient avec nous. C’est seulement hier nuit qu’on m’a informé. Alors, j’ai décidé de vous rencontrer. Je viens d’ailleurs de voir que "Tam-tam Express" aussi est parmi vous"_. Un murmure se fit dans le petit séjour.

Malik Gomina demanda la parole, puis précisa : _"monsieur le président, celui qui est parmi nous, c’est Christophe Hodonou et non Denis Hodonou"_. _"merci beaucoup, reprit le général. Je sais que vous êtes des adultes. Et ce n’est pas tout ce qu’un adulte entend qu’il rapporte. Vous avez vu vous-même le niveau de conscience de nos populations. Quand je sors mon livre où est écrit mon projet de société, ils commencent par quitter les lieux de meeting. Donc je suis obligé de leur tenir leur langage. Mais on est en campagne électorale et je veux vous dire que vous êtes des adultes responsables. Ce que je dis dans mes meetings, c’est pour ici. N’écrivez pas ça à Cotonou. Sinon vous allez casser le pays"_.

Le général fut bref et à la fin, l’un d’entre nous émit le vœu d’une photo souvenir. L’idée enthousiasma le général. Le petit séjour étant mal éclairé, le photographe proposa que la photo - souvenir se fasse dehors, sur la petite véranda. Nous sortîmes sur la véranda où le photographe nous dispose. lorsqu’il fut satisfait de notre disposition, l’un des gardes alla avertir le général qui sortit à son tour. Il fit aussitôt une blague en nous montrant un petit arbre à côté de la véranda. _"Vous avez vu mon colatier stérile ?"_, lança -t-il. Nous éclatâmes de rire. Je ne sais si tout le monde avait compris le calembour. Le général faisait allusion au figuier biblique qui fut frappé de stérilité, sur parole christique. Tout le monde rit. Et c’était l’essentiel.

La photo prise est encore affiché sur mon mur Facebook. Un grand moment !

2006. Cinq années plus tard, me revoilà à Natitingou. Cette fois-ci avec un autre candidat : Yayi Boni. La nuit est avancée et nous sommes fatigués. Demain, nous ferons le périple de l’Atacora. Et je pourrai faire mes comparaisons.

(✋À demain)

*Tibo*

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