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Mémoire du chaudron 93




Au commencement étaient les trois patriarches Hubert Maga, Suru Migan Apithy et Justin Tométin Ahomadégbé. La vie politique nationale, à l’orée des indépendances s’organisait autour de ces trois leaders politiques, au gré de combinaisons et de déconstructions diverses.

Hubert Maga, leader du bloc politique du nord comprenant les Collines et les départements du septentrion, arbitrait à son avantage la guéguerre entre Justin Tométin Ahomadégbé, leader des Fons, et Suru Migan Apithy qui dominait alors la zone sud-est du pays, caractérisée par un mélange complexe entre Gouns et Yoroubas.

Les aires d’influence de ces trois grands leaders politiques post-coloniaux ne doivent rien au hasard, et puisent leur explication dans les méandres de l’histoire du peuplement du Bénin et des rapports parfois difficiles qui ont existé entre ses différents groupes socioculturels. Ainsi, il n’est pas possible d’éviter le parallèle entre la défiance permanente qui caractérisa les rapports entre Ahomadégbé et Apithy, et la guéguerre entre les rois Béhanzin et Toffa. Guéguerre qui atteint son paroxysme pendant l’épopée militaire de la conquête du royaume du _"Danxome"_ par le corps expéditionnaire du Général Dodds.

Une page d’histoire qui laissa des frustrations dans l’esprit des Fons qui n’ont de cesse de dénoncer le soutien ouvert de leurs cousins gouns aux troupes conquérantes françaises. On peut encore raffiner la lecture historique et dire que les inimitiés entre Béhanzin et son cousin _"Dasi"_, devenu Toffa après avoir été élevé à la cour de son grand oncle Glèlè, tiennent aussi leur essence des rapports difficiles entre les frères _"Dogbagli"_ et Tê-Agbanlin qui se séparèrent à _"Houègbo"_, après un épisode de violence fratricide pour l’occupation du trône laissé vacant à Allada par leur père, le patriarche _"Adjahouto"_.

Nous avons tous étudié cette histoire aux cours primaires. _"Dogbagli"_, parti de _"Houègbo"_, s’installa à une centaine de kilomètres plus au nord, sur le territoire des tribus primitives _"Guédé"_ à Bohicon. Son fils cadet _"Dako-Donou"_, à coups d’intrigues sanglantes, assujettit les chefferies yoroubas et fons de la région et fonda le royaume du _"Danxome"_ dont il fut le premier roi sous le nom de _"Houégbadja"_.

Il mit sa capitale à 10 kilomètres à l’ouest de Bohicon et la nomma _"Agbomè"_. De son côté, _"Tê-Agbanlin"_ traversa en diagonale tout le pays _"Aïzo"_, s’installa au sud-est, et fonda avec des autochtones yorubas venus de _"Oyo"_ et de _"Abéokuta"_, le royaume de _"Hogbonou"_. D’un côté donc, le royaume du _"Danxome"_, et de l’autre, le royaume de _"Hogbonou"_, tous deux fondés par deux frères divisés par une même soif de pouvoir.

Suivez donc mon développement, car nous ne pouvons pas comprendre grand-chose du présent, sans une bonne maîtrise du passé.

Le royaume du _"Danxome"_, plus belliqueux et plus conquérant, eut un rayonnement plus grand que celui de _"Hogbonou"_, et bien qu’il en eut les moyens, _"Agbome"_ ne fit jamais la guerre à _"Hogbonou"_, pour des raisons évidentes d’histoire dont j’ai parlé plus haut. Ils sont tous deux issus de l’ancêtre commun _"Adjahouto"_. Sous le règne du roi Glèlè, une crise majeure secoua la famille régnante de _"Hogbonou"_. Le roi _"Sodji"_ projeta de passer outre le principe établi de la succession au trône qui voulait que son successeur fût son neveu, le prince _"Sonyigbe"_.

Il décida plutôt de préparer son fils à lui succéder. Il s’en ouvrit alors à son cousin, le roi _"Glèlè"_, qui accepta de recevoir dans sa cour le jeune prince _"Dassi"_, fils de _"Sodji"_ et héritier contre-nature du trône, la succession sur le siège de _"Tê-Agbanlin"_ n’étant pas patrilinéaire comme dans le royaume du _"Danxome"_. Le roi Glèlè aida donc _"Sodji"_ à couvrir ce coup d’Etat et _"Dassi"_ grandit donc dans la cour royale d’Abomey, recevant la même éducation princière que _"Kondo"_ qui deviendra plus tard Béhanzin.

La succession de Glèlè fut féroce à Abomey, et _"Dassi"_ qui sera intronisé d’abord dans la capitale du royaume du _"Danxome"_ sous le nom de _"Toffa"_ avant d’être accompagné jusqu’à _"Hogbonou"_ par une escouade de plus de quatre cents soldats de l’armée de Glèlè, n’était pas inconnu de _"Kondo"_. _"Dassi"_ et _"Kondo"_ ne s’appréciaient guère à la cour royale et chacun de ces deux prétendants au trône de leurs géniteurs respectifs manœuvrait contre le sacre de l’autre. Ainsi, _"Kondo"_, devenu prince héritier de Glèlè après la mort de son frère _"Ahanhanzo"_, montra ouvertement de la sympathie pour le prince _"Sonyigbe"_ dont _"Dassi"_ se préparait à usurper le trône.

La position de _"Kondo"_ s’expliquait par les tendances déjà très francophiles du roi _"Sodji"_, et donc forcément de son fils _"Dassi"_ qui, de fait, s’aligna dans la difficile lutte de succession au trône qui faisait rage à Abomey, du côté des fils de Glèlè, hostiles à l’accession au pouvoir de _"Kondo"_.

Une fois sur le trône de _"Hogbonou"_, la première chose que fit _"Dassi"_, devenu _"Toffa"_, un nom de règne qui lui fut donné par Glèlè, fut de solliciter la protection de la France. Le royaume de _"Hogbonou"_ ne disposait pas d’une armée régulière et la perspective de la montée au pouvoir de _"Kondo"_ ne le rassurait guère. Ce protectorat signé avec la France et qui pourtant, n’était qu’un acte de sécurisation de son trône vi-à-vis de son fougueux neveu _"Béhanzin"_, aura des conséquences durables sur les rapports politiques qu’ont encore aujourd’hui les Fons et les Gouns.

Une inimitié qui réapparaît à chaque élection présidentielle et qui s’exprima encore récemment en 2011, avec les scores valorisants que fit Yayi à Abomey, face à Houngbédji pourtant soutenu, du bout des lèvres, diront certains, par Nicéphore. Inutile de vous aventurer en politique si vous ne connaissez pas l’histoire. Car, l’histoire est souvent programmée pour se répéter.

À ces trois entités géopolitiques, le bloc nord, le bloc sud et le bloc sud-est, s’ajoutera, au lendemain de la conférence nationale des forces vives de février 1991, un quatrième : le bloc sud-ouest, avec un certain Bruno Amoussou. La constitution de ce bloc est un fait de notre histoire politique contemporaine qui mériterait l’intérêt de nos politologues. Le peu que je peux en dire est que l’histoire est têtue. Car, à mon avis, la naissance du bloc _"adja et assimilés"_ est un effet lointain de l’épopée des ancêtres fondateurs des royaumes du _"Danxome"_ et de _"Hogbonou"_. Je m’explique.

Tout est parti de Tado, en pays adja. Nous connaissons tous la légende de la princesse _"Aligbonou"_, fille du chef de Tado qui fut mise enceinte par une panthère. De cette union contre-nature serait né _"Agassou"_, belliqueux et bagarreur de tempérament. Normal !...pourrait-on dire, si son géniteur est vraiment un félin. À la mort du chef de Tado, une violente lutte pour le succession déchira la cité et un des descendants de "Agassou" la panthere mythique, après un meurtre commis sur un autre prétendant, s’enfuit de Tado avec la dépouille et les statuettes rituelles de son aieul.

Avec sa famille et ses alliés, il vint s’installer en territoire _"Aïzo"_, à Allada sous le nom de _"Adjahouto"_, littéralement traduit, _"le tueur du chef adja"_. Et c’est à partir de là que l’histoire offre un détail assez intéressant. _"Adjahouto"_ enterra à nouveau les dépouilles de son père, donc à Allada. Ce qui, dans une communauté où le culte des morts est essentiel, signifie une rupture avec les origines Tado. Autrement, il aurait été obligé de retourner à Tado pour célébrer le culte de son père défunt. Cette tradition persiste encore chez les Fons, chez qui une personne aimée ne s’enterre jamais loin.

Allada devint alors, de fait, un substitut à Tado avec laquelle les descendants de _"Adjahouto"_ qui sont les _"agassouvi"_ n’auront plus aucun contact physique. Quand un roi mourait à Abomey, on disait par conséquent que son âme _"est retournée à Allada"_. Pas à Tado. Les Fons tiendront donc pour fait historique leurs origines adjas, mais ils perpétueront les signes de rupture avec cette culture. Le royaume du _"Danxome"_, au sommet de sa gloire militaire, fera preuve de beaucoup de scrupules vis-à-vis des chefferies adjas, mais alimentera un subtil complexe de supériorité vis-à-vis du peuple adja. Nous nous rappelons tous, ces déclarations de Nicéphore Soglo pendant les élections présidentielles de 1996 lorsque Bruno Amoussou lui tendait les nerfs avec le dossier du financement du chantier routier _"ABOKI"_. _"Un Adja peut-il être chef ici ?"_, avait-il lancé devant des foules à Abomey. Et la réponse, spontanément, fut un brûlant _"Eééwoo"_, c’est-à-dire _"Nooonn"_.

Il va donc sans dire que la constitution du bloc politique _"adja et assimilés"_ autour de Bruno Amoussou répondait à un réel besoin d’affirmation de ce peuple, géniteur des deux principales dynasties royales du sud du Bénin, mais qui occupait une place mineure dans les annales de l’histoire. La discipline remarquable des cadres _"adja"_ autour de Bruno Amoussou pendant plus d’une décennie, tient de ce besoin d’affirmation.

Bruno Amoussou est, croyez-moi, un des plus fins connaisseurs du Bénin. Et c’est très paradoxalement celui que les Béninois connaissent moins bien dans le quatuor qu’il formait avec Kérékou, Soglo et Houngbédji. Je n’ai d’ailleurs aussi découvert la vraie facette du personnage que depuis quelques années seulement, lorsque je lus avec délectation son ouvrage autobiographique _"L’Afrique est mon combat"_ dont je recommande d’ailleurs la lecture à tous.

Vous y découvrirez un personnage à l’esprit vif et alerte, un humour à fleur de peau, une puissance narrative inattendue chez un agroéconomiste. En lisant par la suite, avec le même appétit, certains autres de ses textes autobiographiques, je n’ai pas pu m’empêcher de me poser ces questions : est-ce le même dont on dit qu’il a pillé la BCB ? Le même qu’on dit doté de toutes sortes de puissances maléfiques, envoyant ad patres tous ses opposants ? Le même qu’on dit utiliser sournoisement la violence pour museler toute remise en cause de son leadership dans le Couffo ? Le même qui inspirait peur et terreur à Yayi au point de nous faire rebrousser chemin à Lokossa ?

De deux choses, l’une. Soit nous ne connaissons rien du personnage, soit tout le contenu de ses textes biographiques est faux.

De toute façon, l’habile calculateur politique qu’il est ne se fatigua pas outre mesure à disperser son énergie pendant la campagne électorale présidentielle de 2006. Il avait certainement aperçu l’issue et avait fait du Couffo une place fortifiée...à négocier pour le second tour.

De Lokossa, nous rentrâmes à Cotonou en ruminant notre frustration de n’avoir pas pu défier le _"renard de Djakotomey"_ dans sa tanière.

Demain lundi sera un nouveau jour. Nous prendrons certainement le chemin de Porto-Novo et de la Vallée. En espérant que Houngbédji, lui, nous laissera y aller.

(✋À demain)

*Tibo*

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