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« Un Président, ne devrait pas dire ça… ». La formule est désormais consacrée. Si à l’origine, cette formule, titre d’un fameux livre publié par deux journalistes français, était pour dénoncer le trop-parler, le manque de retenue de l’ancien président français François Hollande et les coulisses du pouvoir, elle est depuis reprise en chœur en tout instant, à chaque sortie pleine de fermeté ou parfois de bon sens d’un dirigeant politique. On lui en connait plusieurs variantes en fonction : « Un ministre ne devrait pas dire ça… », « Un député ne devrait pas dire ça… » « Un maire ne devrait pas dire… ».
Sous nos tropiques, elle est devenue la phrase magique. On l’utilise à tout bout de champ, sans prendre de recul, sans avoir pris la peine de saisir le sens profond des mots ou des discours. Telle une épée de Damoclès, elle plane sur la tête de tout dirigeant politique. Elle sert à scruter toute sortie publique d’un haut responsable politique pour créer des polémiques, inventer des dérapages là où il y en a pas. Elle résonne dans les chapelles réactionnaires pour donner des conseils non sollicités.
Et voilà, la formule du « ne devrait pas dire ça » vient de trouver une nouvelle cible au Bénin : Madame la Vice-présidente Mariam Chabi Talata. Le crime qui lui est reproché : des extraits d’un discours dans lequel elle se prononçait sur la situation des Aspirants aux Métiers de l’Enseignant (AME). De propos qui suscitent des débats passionnés. Des propos qui ont ravivé soudainement sur la toile la formule incantatoire du « ne devrait pas dire ça ». Et depuis les érudits de la communication politique ou du célèbre « hautement social » sont de sortie.
Pourtant, il aurait suffi de lire entre les lignes ou d’écouter avec attention l’extrait devenu polémique, le replacer dans son contexte pour réaliser à la vitesse de la lumière que la Vice-présidente n’aura jamais dit ce dont l’accusent les chantres du « ne devrait pas dire ça ».
Aussi surprenant que cela puisse paraître, les propos polémiques n’évoquent que le rêve ou la vision de tout béninois : préserver l’intérêt général et l’exigence de résultats pour l’école béninoise. Ils ne sont fondés que sur une logique chère à chacun et chacune de nous : l’éducation béninoise, une priorité nationale au-delà des pressions de ses acteurs.
En déclarant qu’« on ne va pas céder aux pressions qui ne tiennent pas compte des impératifs liés à l’obligation de résultats dans l’enseignement », la Vice-présidente rappelle une vérité fondamentale : l’éducation est une cause nationale qui dépasse les revendications particulières.
Certes, les 30.000 aspirants enseignants constituent une force vive indispensable, une ressource précieuse pour le système éducatif. Mais qu’à cela ne tienne, il faudra regarder la réalité en face. Derrière ce chiffre se profile une réalité autrement plus décisive : celle d’un effort collectif pour offrir, aujourd’hui et demain, l’accès à l’éducation à 8 millions d’apprenants que compte notre pays. Celle d’un engagement collectif pour assurer à ces âmes innocentes une éducation de qualité. Et bien évidemment, pas au détriment du bien-être et de l’épanouissement du personnel enseignant.
À cet égard, nul ne peut ignorer les divers engagements pris par l’État béninois pour des enseignants bien formés et motivés à offrir le meilleur d’eux-mêmes. Le chantier est colossal. Et l’État béninois a le devoir de prendre des décisions fondées sur l’intérêt supérieur du pays et non sur la pression du moment ou des rapports de force. Des décisions qui garantissent à la fois la pérennité du système éducatif béninois et la soutenabilité des finances publiques.
Les chantres du « ne devrait pas dire ça » sont à contre-courant, dans un contresens total. Et difficile d’accuser madame la Vice-présidente, enseignante de son État, de minimiser l’importance des aspirants aux métiers de l’enseignant. Toutefois, celle-ci est dans son plein rôle de rappeler la primauté de l’intérêt général. Elle est assez renseignée pour affirmer haut et fort que le Bénin ne peut se permettre d’avoir un système éducatif fragilisé par des compromis de circonstance.
Et au-delà, celle-ci n’a aucunement fermé la porte au dialogue. Qu’à cela ne tienne, rappelons-nous que la véritable responsabilité politique est de toujours replacer l’avenir des 8 millions d’apprenants au centre des débats. Car à cette c’est à cette condition que le Bénin pourra relever le défi de l’excellence et donner à sa jeunesse les moyens de bâtir l’avenir.
Dr. Chedrak Chembessi
Économiste-Géographe
Enseignant-Chercheur
Co-fondateur du Collectif Agora 229
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