728 visiteurs en ce moment
Suite à la sortie médiatique de Patrice Talon, président de la République, ce jeudi 11 avril 2019, où il s’est prononcé sur la situation de crise préélectorale que traverse le Bénin depuis des semaines, des réactions sont suscitées de part et d’autres.
Me Robert Dossou, ancien président de la Cour constitutionnelle dans un entretien accordé à Afrik Chrono Tv pense que le Chef de l’Etat a assumé la situation actuelle.
« Personnellement, j’ai été satisfait par l’interview du chef de l’Etat parce que après les petites précautions qu’il a prises au début, globalement l’entretien montre qu’il assume la situation actuelle ; ça montre que les éléments qui s’étaient révélés à nous au travers de certaines lois qui ont été votées se confirment », a affirmé Me Robert Dossou.
Pour l’ancien président de la Cour Constitutionnelle, Patrice Talon a prouvé que son projet en tant que chef de l’Etat se déroule.
« Les lois qui se sont succédées, notamment le code électoral, la charte des partis politiques, la loi sur le conseil supérieur de la magistrature, la loi sur le droit de grève ; toute cette série de lois participe d’un projet bien pensé, ordonné qui se tient, et qui n’est non pas le projet de x ou de y ; mais le projet du chef de l’Etat. (...) Moi j’en suis content. Il n’a pas fait de dérobade. C’est ce qu’il veut, c’est ce qu’il a intégré à son programme », a-t-il expliqué.
Me Robert Dossou a l’impression que c’est un programme qui détricote, « ce que nous avons fait depuis notre indépendance en 1960 pour construire patiemment à coup d’épreuves (...) ce que les uns ou les autres ont enduré pour que tout doucement nous arrivons à l’Etat de droit ».
« Nous ne sommes plus en démocratie (...)››
« L’Etat de droit et la démocratie ; toute la question est là. Aujourd’hui, je dois considérer, j’ai l’honnêteté et le devoir de le dire ; nous ne sommes plus en démocratie en République du Bénin. Je dis bien : nous ne sommes plus en démocratie en République du Bénin », confie-t-il.
« Dès lors que la presse ne se sente plus libre du tout, dès lors que les lois que nous avons façonnées pour que la télévision d’Etat, la Radio d’Etat soient ouvertes à tous les courants de pensée de la société, que ces lois ne soient plus appliquées (...) Dès lors que nous constatons que la séparation des pouvoirs n’est pas respectée, on peut dire qu’il n’y a plus la démocratie », signale l’ancien président de la Cour Constitutionnelle qui estime que la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication en tant qu’organe n’est plus aujourd’hui un gardien de l’indépendance de la presse.
Me Robert Dossou affirme qu’il n’existe pas de loi électorale neutre. « Le code électoral a été façonné pour conduire aux résultats que nous avons aujourd’hui, l’exclusion de certains (partis) parce que si on veuille ou pas, ils sont exclus. Une armée populaire de juristes de tout acabit, de tout ordre peut défiler sur les écrans monopolisés de l’Etat ou des écrans bloqués du secteur privé de télévision, ça ne peut pas convaincre parce que nous ne sommes pas les géniteurs de la démocratie », souligne-t-il.
Pour lui, la démocratie a un certain nombre de paramètres communs à toute l’humanité entière et à tous les pays. Les spécificités de mise en œuvre de cette démocratie d’un pays à l’autre ne doivent pas exclure les paramètres globaux et communs de l’humanité.
En ce qui concerne l’Etat de droit, explique Me Dossou, il suffit de jeter une vue sur notre système juridique. « Quand on regarde, l’instrumentalisation est une force terrible et je m’inquiète, je continue de m’inquiéter mais je suis rassuré que le système qui est là, n’est pas séparé du chef de l’Etat et il a assumé ».
Il avoue que sa génération dès le lendemain de l’indépendance a été confrontée à une théorie selon laquelle, il faut développer le pays. « On fait trop de politique, il faut maintenant arrêter les réunions politiques pour faire du développement et sur ce fondement on a créé des partis uniques partout (...) et on l’a fait au nom du développement, nous devons nous taire pour qu’on nous développe », informe-t-il.
L’ancien président se dit très heureux de voir certaines réformes comme les travaux menés à l’aéroport, les améliorations notées à la présidence, la propriété de certaines artères principales. « (...) Vous avez vu en Libye pourquoi les gens n’ont pas bougé lorsqu’on a cassé Kadhafi, les gens avaient tout, enseignement gratuit, santé gratuite, ils étaient biens, ils n’avaient pas de problème sauf il n’y avait pas la liberté », expose-t-il.
Me Robert Dossou, indique que « si un régime ne comprend pas que on ne doit pas mettre en place au nom du droit et par le droit, un système qui brise l’homme qui l’empêche de s’exprimer librement et qu’on casse les moyens par lesquels les citoyens peuvent s’exprimer librement et bien on a beau les nourrir, les vêtir, leur rendre belle la ville où ils sont et il manquera quelque chose et ce quelque chose qui va manquer sera source de tension, de crispation parce que motif d’insatisfaction ».
L’ancien président de la Cour Constitutionnelle signale qu’il est encore temps de corriger le tir.
S’agissant de l’avis du chef de l’Etat selon lequel pendre une ordonnance serait d’arracher une partie des prérogatives de l’Assemblée nationale, Me Robert Dossou soutient qu’il ne paraissait pas du tout impératif que Patrice Talon ait à recourir à l’article 68 de la constitution. Selon lui, la question des législatives est essentiellement politique et pouvait être réglée par le canal politique mais il n’y avait pas la volonté politique seulement le semblant politique, ce qui ne pouvait marcher.
« Dans ce pays, nous avons adopté la Lépi depuis 1999 mais à l’approche de chaque élection le Parlement votait une loi pour suspendre la mise en œuvre de la Lépi et retourné à la liste manuelle d’avant on l’a fait pratiquement pendant 10 ans.
Le parlement aurait pu simplement aller là mais les lois électorales ne sont pas neutres. Chacun de ceux qui s’asseyent pour voter les lois électorales, la plupart n’ont comme motif pour voter dans tel sens ou tel autre sens que leur intérêt », affirme-t-il.
A en croire, Me Robert Dossou, si la loi électorale n’est pas stabilisée depuis bientôt 30 ans que nous avons terminé notre conférence nationale et bien c’est parce que à chaque fois chacun fait son calcul pour que la loi électorale soit orientée dans tel sens.
« Chaque politicien a enfoui en lui ce que les juristes appellent la cause impulsive et déterminante, c’est-à-dire la motivation profonde qui fait mouvoir le politicien », précise-t-il.
« Nous nous trouvons un peu au début de la révolution béninoise du PRPB ».
A la question de savoir qu’avec le démarrage de la campagne électorale s’il est encore possible d’atteindre le consensus selon le vœu du Président de l’Assemblée nationale et de voir les autres partis revenir à la course, l’ancien président de la Cour constitutionnelle énonce : « Moi je ne perds jamais espoir et je prie pour que la lumière gagne chacun. Mais si je dois rester dans une certaine rationalité je n’y crois plus ».
Me Robert Dossou attend la fin des élections et les premiers éléments de mise en œuvre post élection pour apprécier et déduire si les partis politiques qui n’ont pas participé ont une chance de revenir pour les prochaines joutes électorales. Néanmoins, poursuit-il, « la machine qui est mise en place aujourd’hui a pour finalité d’exclure tout le monde pour n’avoir qu’un mouvement qui puisse aller dans le sens désiré ou choisi et tout ce qui ira dans un autre sens sera banni. Moi, c’est ce que je crains ».
« J’ai vu passer tous les régimes politiques du continent africain. J’ai vu comment des régimes nationalistes, patriotiques ont viré dans une dictature sanglante. (...) Pour ce qui concerne le Bénin et au nom du développement, on va nous priver de liberté si la correction n’est pas faite et bien je demeurerai très inquiet », annonce-t-il.
Me Dossou souligne que le développement à deux volets principaux : institutionnel et infrastructure c’est-à-dire économique et autres.
« Les deux développements doivent aller de pair, consolidation de nos libertés, consolidation des institutions démocratiques sans contournement. (...) Nous avons maintenu ces choses en les transformant en les habillant de droit », dénonce-t-il.
L’ancien président de la Cour Constitutionnelle déclare : « J’ai l’impression que nous nous trouvons un peu au début de la révolution béninoise du PRPB ».
« J’ai cette impression et j’ai le devoir de l’exprimer, cette une contribution que de l’exprimer si je constate que je me tais je me serai trahi moi-même. Je souhaiterais que mon impression soit fausse mais les faits me démentent », se désole-t-il tout en ajoutant qu’au Bénin le droit n’a plus de prévisibilité.
Akpédjé AYOSSO
www.24haubenin.bj ; L'information en temps réel