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La diaspora africaine célèbre en ce mois de février le ‘’Black History Month’’ (le mois de l’histoire des Noirs). M. Karfa Sira Diallo franco-sénégalais et directeur fondateur de l’association Mémoires et Partages a étendu le Black History Month à Cotonou à travers un plaidoyer fait ce mardi 4 février 2020 pour le vote d’une loi au Bénin qui reconnaît l’esclavage et la traite des noirs, comme crime contre l’humanité. L’évènement qui a eu lieu au centre culturel Artisttik Africa a connu la présence du directeur du cabinet du ministre de la culture Eric Totah, le président de la commission des lois de l’Assemblée nationale Orden Alladatin, des élèves ainsi que plusieurs autres invités.
4 février 1794 – 4 février 2020, il y a 226 ans que le premier décret d’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises a été voté par l’assemblée de la Convention entérinant ainsi le soulèvement des esclaves survenus en Haïti et ses incidences. La France à l’initiative de la député Christiane Taubira a voté le 21 mai 2001 une loi déclarant l’esclavage et la traite négrière, crimes contre l’humanité. Parmi les pays africains, seul le Sénégal a voté une loi similaire le 5 mai 2010 suite à la campagne de l’association Mémoires et Partages.
Dans son discours Karfa Sira Diallo directeur fondateur de l’association a expliqué les conditions dans lesquelles cette première abolition a eu lieu et le rôle que les révolutionnaires d’Haiti ont joué dans cet événement historique. Selon M. Diallo, plusieurs nations de l’Occident se sont enrichies grâce à la traite et à l’esclavage des noirs sous le système colonial.
« Toute la prospérité du 18 siècle est bâtie sur le sang, la sueur et les larmes des africains, des noirs et de leurs descendants », informe-t-il.
D’après le franco-sénégalais, l’évènement fondamental qui va donner un coup énorme au système colonial esclavagiste est la révolution haïtienne du 18eme siècle qui a rétabli la liberté de l’égalité de tous les hommes. Une révolte qui a débuté en août 1791 à la suite de la cérémonie de Bois-Caïman, dans la plaine du Nord sous la conduite du général Toussaint Louverture.
« Nous avons besoin de dire nos histoires et nos cultures. Nous avons besoin de dire par quel chemin nous sommes passés. Nous avons besoin que la jeunesse sache notre histoire », ajoute M. Diallo. C’est pourquoi le directeur fondateur de l’association Mémoires et Partages fait un plaidoyer pour que la traite des noirs et l’esclavage soient déclarés au Bénin comme crime contre l’humanité
L’écrivain béninois Camille Amouro a évoqué les abolitions et les tendances abolitionnistes dans le Golfe du Bénin (ancienne Côte des Esclaves). Tout en relevant la responsabilité du Bénin dans la traite négrière et l’esclavage, il a notifié le rôle joué par certaines grandes figures dans la lutte contre la traite négrière et l’esclavage notamment le cas du roi Adandozan.
Le Haïtien Jean Lherisson n’a pas manqué de parler de l’histoire de l’Indépendance de son pays. A en croire ce dernier l’Haiti représentait 25% du budget de l’empire français avec les récoltes du cacao, café, canne à sucre et l’indigo. « De 1519 où les premiers noirs arrivent de Dahomey à 1594, l’Haïti recevait chaque trois mois, au moins 40 bateaux chargés de près d’une cinquantaine d’esclaves », renseigne-t-il. Il aura fallu un véritable combat pour abolir l’esclavage dans les colonies françaises à travers le décret du 4 février 1794.
Selon Jean Lherisson le vote d’une loi pour reconnaître la traite négrière et l’esclavage comme crime contre l’humanité « ne sera pas la fin du travail pour la dignité humaine de l’homme noir mais ce sera un premier pas vers une société moderne axée sur la dignité humaine ».
Un plaidoyer qui n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd
« Le Bénin à traves certaines de ces villes comme Ouidah a constitué le point d’embarquement de l’esclavage et il faut rappeler aussi qu’en 1994 Ouidah a été le lieu où l’UNESCO a lancé le programme de la route de l’esclavage », a affirmé le directeur du cabinet du ministre de la culture Eric Totah. Ce dernier souligne qu’il faut nécessairement aujourd’hui que « l’histoire de l’esclavage soit inscrite dans les programmes d’enseignement de nos enfants ».
« Le contenu du plaidoyer est très clair. Il faudra que l’on restaure un peu l’identité noire et que l’on reconnaisse qu’on a causé du tort », a confié le président de la commission des lois de l’Assemblée nationale Orden Alladatin.
« Nous allons y travailler et le Bénin qui veut être en pole position par rapport à ce genre de thématique devrait faire quelque chose », a annoncé Orden Alladatin. A l’heure actuelle poursuit-il, « la question n’est plus d’œuvrer pour la réparation des torts mais comment faire pour que la République du Bénin tire profits de cette histoire qu’elle a connue ».
L’évènement organisé en partenariat avec le centre culturel Artisttik Africa et Bénin Couleurs, et l’appui du Ministère du tourisme, de la culture et des arts sous la direction de Cotonou Creative a été également marqué par la première publication de la bande dessinée Madlena de Popo - histoire d’une esclave. L’œuvre est réalisée par Hector Sonon grâce à une résidence de création en septembre 2015 à la villa Karo, un centre culturel finno-africain, situé dans le village de Grand-Popo.
Akpédjé AYOSSO
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