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En vigueur depuis le 1er juillet 1967 sans être abrogée, l’ordonnance N° 11 PR/M.J.L. publiée au Journal Officiel du 15 Mai 1967 à la page 343, dispose en ses articles 2, 3 et 4 que « Tout rassemblement, à l’occasion d’événements autres que les mariages et les décès, doit prendre fin au plus tard à vingt et une heures lorsque plus de dix personnes adultes ne vivant pas habituellement avec l’organisateur sont appelés à y participer.
Le montant total des dépenses en denrées, boissons et services de toute nature, effectuées tant par l’organisateur que par les participants, ne peut être supérieur à dix mille francs ».
« Tout rassemblement à l’occasion d’un mariage doit, dans tous les cas, prendre fin au plus tard à vingt trois heures.
Le montant total des dépenses en denrées, boissons et services de toute nature, effectuées tant par l’organisateur que par les participants, ne peut être supérieur à vingt mille francs ».
« Les décès et inhumations ne peuvent donner lieu à aucun rassemblement autres que ceux prescrits par les rites religieux ou tendant à manifester l’affliction, causée par la disparition du défunt.
Tout rassemblement ayant pour effet des réjouissances à cette occasion est interdit. La consommation de boissons alcoolisées au cours des rassemblements autorisés ou non autorisés est strictement interdite.
Les personnes dont la présence n’est pas indispensable aux proches parents du défunt ne peuvent séjourner plus de vingt quatre heures consécutives après l’enterrement dans la maison mortuaire ou dans ses dépendances ».
Rien qu’à lire cette ordonnance, on est en droit de se demander quel rôle joue le législateur béninois en laissant en vigueur dans le droit positif béninois cette ordonnance dont l’application mettra en prison tous les béninois. En effet, selon les articles 8 et 9 de cette ordonnance : « Sera puni d’une amende de vingt mille francs à deux cent mille francs et d’un emprisonnement d’un mois à trois mois :
1° Quiconque aura, dans les cas prévus aux articles 2 et 3, procédé ou sciemment contribué à des dépenses dont le montant excède le maximum légal c’est-à-dire plus de dix mille FCFA pour les ’événements autres que les mariages et les décès et plus de vingt mille FCFA pour le mariage ;
2º Quiconque aura, dans les cas prévus à l’article 4, organisé une manifestation interdite ou servi des boissons alcoolisées au cours d’un rassemblement autorisé ou non autorisé ;
3º Quiconque aura séjourné dans la maison mortuaire ou ses dépendances, en infraction à l’article 4, alinéa 3 ou aura autorisé ou facilité ledit séjour ;
4° Quiconque sera trouvé en état d’ivresse manifeste sur les lieux d’une cérémonie familiale.
La juridiction de jugement pourra ordonner que la décision devenue définitive, soit portée à la connaissance du public par tous les moyens appropriés ».
Au Bénin comme dans d’autres pays d’Afrique, dès qu’un malade semble gravement atteint, on commence, dans certains milieux, à se préoccuper des dépenses pour ses funérailles. Alors que le malade pourrait peut-être vivre s’il bénéficiait du soutien matériel de son entourage pour ses traitements ou pour une hospitalisation. Cette situation qui est connue de tous s’est développée malgré l’existence de l’ordonnance 21-PR-MJL. En effet, la grande précarité observée au niveau des familles au Bénin et la pauvreté qui grandit, n’empêchent pas les dépenses excessives lors des enterrements tout comme les autres cérémonies, mariages, baptêmes. Ce sont des occasions d’endettement et de ruine de certaines personnes. Nous assistons à un « m’as-tu vuisme destructeur ». C’est pour lutter contre cette situation que l’ordonnance 21-PR-MJL a été prise pour réprimer les cérémonies ruineuses. Mais malgré l’existence de cette ordonnance, la plupart des béninois continue de violer allégrement cette disposition légale et font parfois perdre de vue l’essentiel dans ces manifestations. Les dépenses festives sont sans rapport avec les revenus des personnes. Sans compter que les dépenses festives sont sources de rivalité entre les membres de la famille, la nécessité d’actualiser cette ordonnance est d’une importance capitale pour les béninois.
Comment comprendre que notre pays continue de garder dans son droit positif, une telle ordonnance fixant le montant total des dépenses en denrées, boissons et services de toute nature, pour les manifestations autres que les mariages et les décès effectuées à au plus dix mille francs FCFA ?
Comment allons-nous admettre que le montant total des dépenses en denrées, boissons et services de toute nature, effectuées lors des mariages et décès ne peut être supérieur à vingt mille francs alors même que le coût des formalités au niveau des Mairies ainsi que la conservation journalière du corps du défunt dépassent ce maximum légal fixé par l’ordonnance ?
La nécessité de réprimer les cérémonies ruineuses est encore d’actualité c’est pourquoi, nos législateurs doivent éviter aux béninois d’être des « délinquants juridiques » en actualisant cette ordonnance où en l’abrogeant purement et simplement.
Nous ne devons pas attendre la mise en prison des citoyens avant de prendre la décision qui s’imposent car cette ordonnance est inapplicable sur le terrain. Mais comme la loi reste la loi tant quelle n’est pas abrogée, tous les béninois y compris les honorables députés peuvent être poursuivis à tout moment pendant ou après les manifestations familiales. L’honorable député peut être pris et mise en détention préventive en cas de flagrant délit lors des manifestations familiales. Etant entendu que l’immunité parlementaire tombe devant le flagrant délit, les honorables députés restent vulnérables tant que cette ordonnance n’est pas abrogée ni actualisée.
En ce moment où nous vivons une agitation politique, n’est-ce pas une possibilité pour les règlements de compte politique ? N’attendons pas que le pire arrive pour extirper de notre droit positif des lois inadaptées ?
En dehors de son rôle principal qui est de faire la loi et de contrôler l’action gouvernementale, le député doit être à l’écoute de ses concitoyens en intervenant sur les problèmes de société, des questions locales ou des questions nationales. La question de la dépénalisation de l’adultère posée par la décision DCC 09-081 du 30 Juillet 2009 reste sans suite à ce jour malgré l’importance de la question. La fixation des peines pour les infractions telles que Haute trahison prévue par l’article 74 de la Constitution du 11 décembre 1990, atteinte à l’honneur de l’article 75 de la constitution …demeurent sans suite. A tout cela, il faut ajouter les textes de loi qui sont complètement inadaptées à la situation actuelle du pays.
Combien de temps encore allons-nous garder dans les tiroirs de l’Assemblée Nationale, les projets ou propositions de loi importants pour la population ?
La question des avances sur loyer, les baux, la législation nouvelle sur les libertés publiques (liberté de manifester, la question de la grève sans service minimum dans le secteur de la santé….) des sujets préoccupants qui devraient avoir des lois spécifiques ne sont toujours pas à l’ordre du jour chez nos honorables députés.
Les exemples sont légions et il faut que nos honorables Députés soient plus réactifs sur les questions autres que politique qui engagent la nation béninoise.
Dans tous les cas au Bénin De lege lata (en vertu de la loi en vigueur) toute collecte de fonds ou sollicitation de dons ou présents, à l’occasion des cérémonies familiales qui accompagnent ou suivent les naissances, fiançailles, mariages et décès, ou l’accomplissement de rites religieux est interdite. A ce titre, les rassemblements tombant sous le coup des interdictions prévues par l’ordonnance 21 PR MJL doivent se disperser à l’initiative de l’organisateur des cérémonies ou de la personne chez qui ils ont lieu. Ils peuvent être dispersés par la force publique à l’initiative des officiers de police judiciaire.
Il est admis par la doctrine et les nombreuses jurisprudences en la matière « qu’une loi ne meurt pas par désuétude ». Pour qu’un article d’une loi puisse ne plus recevoir application, il faut qu’il ait été amendé ou abrogé par un texte adopté par le législateur dans les conditions fixées par la Constitution.
Rappelons-nous que la loi est perpétuelle, lorsqu’elle est abrogée, cette abrogation résulte d’un acte postérieur à la loi qui va lui retirer sa force obligatoire à l’avenir.
Serge PRINCE AGBODJAN
Juriste