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Il existe dans le sud Bénin des ateliers de menuiseries où voltige toujours une ambiance morbide. Ces occupants ont choisi de mettre leur ardeur à la confection de cercueils. Leur but, tiré profit de l’espérance de vie qui se rétrécit comme une peau de chagrin. Après avoir richement décoré ces bières, leurs fabricants les exposent au vu et au su de tout passant comme de funèbres marchandises, attendant quel cœur éploré viendra aux nouvelles. Un commerce très prospère qui compte déjà ses Crésus.
Abomey-Calavi. Il est 09 heures. A quelques pas de l’université de la ville, deux cercueils sont exposés au bord la chaussée. En retrait, un homme est penché sur une grande caisse qu’il s’applique à polir, une bière en cours de finition. A sa gauche, un de ses apprentis cloute des planches. On est dans l’atelier à ciel ouvert de Codjo où on s’active toute la journée à confectionner des cercueils.
Ici, on n’attend pas de commande avant de se mettre à l’ouvrage. On anticipe. « Aujourd’hui, on ne peut plus attendre que quelqu’un meurt avant de fabriquer une bière. L’espérance de vie est faible. On peut nous reprocher de les exposer au bord de la chaussée. Mais si on ne les expose pas qui viendra les acheter »,affirme le maître de céans.
« Si on ne les expose pas qui viendra les acheter »
Comme tout ce qui relève du domaine de la mort, la fabrication d’un cercueil n’était pas confiée à un artisan trié sur le volet. Le menuisier qui le confectionnait était un initié. De plus, ce meuble, dernière demeure du mort, n’était pas exposé au vu et au su de tout le monde.
Selon le sociologue Abdoulaye Bénon Mora, l’instrument est désacralisé. De plus, « le cadavre est matérialisé et publiquement exposé au bord de l’autoroute », déplore-t-il
En dépit de l’indignation du scientifique, ce commerce semble connaître du succès. Les clients se pressent aux portes de ces ateliers.
« Dans une journée, on peut vendre jusqu’à onze cercueils. Il arrive aussi des jours peu généreux, où on en vend quatre ou cinq », affirme Job, un apprenti de Codjo.
Un secteur informel
Au Bénin, il n’existe aucune loi réglementant ce type de commerce. Conséquence, il se répand mettant en péril la quiétude de la population.
« Si une personne âgée aperçoit un cercueil entreposé aux abords d’une autoroute, cela peut le plonger dans l’angoisse de la mort et le précipiter à petit coup dans une certaine baisse d’estime de soi », indique la psychologue Sègbédé Aligbonon.
De plus, une femme enceinte qui a précédemment perdu son nouveau-né, peut se rappeler de lui à la vue d’une bière.Ce qui va impacter l’enfant en gestation et lui imprimer la peur de sa mère par rapport à la mort. Ceci peut constituer quelques handicaps à la croissance de l’enfant et à l’épanouissement de la mère, explique la psychologue.
Le sociologue Abdoulaye Bénon Mora souhaite que le gouvernement aide les menuisiers qui se livrent à ce commerce à choisir des sites appropriés pour l’exposition de leurs marchandises. Et ce, loin des regards.
Pour le moment, ces ateliers funèbres prolifèrent aux abords des rues avec des cercueils de diverses formes et des couleurs variées.