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4ème pays producteur du karité en Afrique avec plus de 85.000 tonnes produites par an sur un potentiel de 170.000 tonnes, le Bénin attire de plus en plus d’investisseurs qui se positionnent pour accompagner le développement de cette filière. Si peu d’entre eux sont soucieux du bien-être des femmes ramasseuses du fruit, de la communauté et de l’environnement certains à l’image du projet Wakapou font exception. Dans un entretien à nous accorder, Hervé Pourcines, l’un des associés du projet nous parle du modèle de « farming contract » qu’ils proposent et qui est à l’antipode de tout ce qu’on a pu observer jusque-là.
D’un montant global de 730.000.000 de francs CFA établi sur cinq ans, Wakapou est un projet principalement tourné vers la production d’amendes de karité biologiques au Bénin avec un modèle de partenariat basé sur le commerce équitable. Implanté à Oubérou dans la commune de Tchaourou, département du Borgou en plein cœur de la zone de production du Karité, il est l’initiative de deux amis d’enfance. Auguste Pognon, un béninois de la diaspora et le français Hervé Pourcines directeur du projet.
Encouragé par la forte demande mondiale en produits agricoles bio et le potentiel de développement d’une agriculture biologique que présente le Bénin, les deux amis ont décidé d’investir dans le Karité. Une filière certes en pleine expansion mais qui leur offre l’opportunité de réaliser leur rêve d’une exploitation agricole au service de la communauté, respectueuse des normes environnementales et hautement bénéfique pour les producteurs (ici ce sont principalement les femmes). « Le Karité est avant tout une belle histoire à nos yeux. On travaille avec des femmes, il y a un aspect développement rurale, un aspect développement de la condition de la femme rurale même si l’aspect business n’est pas du tout négligeable » a affirmé Hervé Pourcines.
Pour ce faire, les deux associés ont décidé de renommer le projet de façon à faire ressortir le caractère inclusif de leur activité dans la filière karité. ‘’wakapou’’ qui veut dire ‘’c’est bon pour vous’’. C’est du wariba (aucun dialecte béninois ne porte ce nom) lancé M. Pourcines sur un ton amusant en faisant référence au « Wa » veut dire en langue nationale fon ‘’viens’’. ‘’Il faut venir, il faut joindre car c’est un projet inclusif’’ dira-t-il.
Changer les habitudes et produire un impact sur la filière karité au Bénin
A l’instar des autres pays producteurs du karité en Afrique Subsaharienne, le Bénin emploie principalement des femmes pour le ramassage des fruits dans les parcs. Le pays étant reconnu comme pauvre, les moyens de ramassage et de traitement des amendes voire du beurre de karité sont encore artisanaux et Wakapou est bien décidé à inverser la tendance. « Je me suis rendu compte qu’au Bénin, l’industrie du Karité n’est pas si développée, il n’y a pas un état de faire où on travaille d’une certaine manière. J’ai vu qu’il est plus facile de faire des innovations au Bénin, d’apporter quelques choses de nouveau et d’avoir un impact, plutôt que dans les pays où la filière est un peu plus organisée comme le Burkina ou la Ghana » a expliqué le directeur de Wakapou.
« Ce que nous apportons de nouveau est que nous investissons localement. Ceux qui sont dans le secteur avant nous, sont des négociants qui n’investissent pas, ils achètent pour exporter. Nous, on est proche des communautés au sein desquelles nous investissons. Nous avons des partenariats locaux avec les coopératives que nous avons enregistré en coopératives OHADA car nous voulons faire du commerce équitable certifié par ECOCERT afin d’aider les gens à se développer » affirme M. Pourcines, un habitué du milieu des finances et des challenges des pays en voie de développement.
Pérennité des revenus des groupements et développement de la communauté
Dans la perspective de ses activités qui démarrent officiellement en juin 2018, Wakapou a contracté une dizaine de coopératives qu’il a enregistré selon les normes de l’OHADA afin que les femmes ramasseuses profitent véritablement de leur travail. Autrefois, ces femmes marchaient sur des kilomètres avant d’atteindre les parcs et elles n’arrivaient pas à être très productives car ne pouvant pas rapporter plus de 25kg par personne par jour. Cela handicape considérablement la production nationale de Karité et rend dérisoire les revenus de ces femmes ramasseuses de karité.
Pour innover et moderniser les activités des femmes ramasseuses, Wakapou a décidé de mettre des moto-tricycles équipés de GPS et des rouleaux ramasseurs à la disposition des coopératives avec un ordre de mission délivré chaque matin. Ceci dans le but de rapprocher les femmes des parcs et accroître le taux de ramassage. Elles peuvent désormais ramener près de 500 Kg par jour par personne. Or plus le volume de fruit ramassé est important, plus le revenu des femmes et par extension des coopératives, est élevé.
Avec un prix d’achat au Kilo fixé pour toute la saison (pas de fluctuations en fonction des aléas), des primes et des bonus, ces coopératives dont les femmes gagneront désormais deux ou trois fois plus que par le passé, pourront investir dans leur communauté et développer davantage leurs activités. Wakapou s’engage donc auprès de ces coopératives partenaires, à acheter toute leur récolte. D’assurer un paiement régulier, le risque commercial et de prendre à sa charge, la vente des amendes à l’export. Mieux, le projet offre la possibilité aux jeunes de Oubérou et des villages environnants de même qu’aux femmes ramasseuses de se faire employer dans son unité de production d’amendes et de beurre de Karité, a rassuré Hervé Pourcines.
Ainsi, plus d’une centaine d’emplois directs et indirects seront créés en cette première année du projet. Ce nombre sera multiplié par deux, trois, quatre, cinq voire dix, d’ici cinq ans. Ce partenariat avec la communauté rurale sera basé sur la certification ‘’Faire-for-Life’’ qui établit les bases d’une relation négociée équitable avec les groupements, respectueuse envers les employés et les fournisseurs et responsable envers l’environnement et les communautés. Une garantie donc pour la pérennité des revenus des acteurs et pour la protection du cadre de vie.
Objectif 10.000 tonnes d’amendes à l’horizon 2022 et une professionnalisation des coopératives
Conscient du potentiel non exploité qu’offre la filière karité au Bénin, le projet Wakapou entend insuffler une nouvelle dynamique à la production nationale. Ainsi, le projet ambitionne d’exporter à l’horizon 2022, 10.000 tonnes d’amendes de Karité et 300 tonnes de beurre de Karité. Dès juin prochain, Hervé Pourcines et ses collaborateurs visent une exportation de 500 tonnes d’amendes et 20 tonnes de beurre de karité pour leur première année d’exercice. Progressivement, le projet s’étendra à 20, 30, 40 voire 50 coopératives de femmes ramasseuses afin d’accroitre non seulement la main d’œuvre pour la récolte mais aussi pour contribuer au renforcement et à la structuration de la filière en améliorant les conditions de travail et la rémunération des paysans tout en améliorant la qualité et la réputation des amendes de karité produites.
Dans cette optique, Wakapou entend mettre en place à Oubérou, des infrastructures, des machines et des procédures qui vont permettre de professionnaliser et de structurer la production d’amendes de karité. Le projet va donc développer, des procédés novateurs pour dépulper les fruits et pour sécher les amendes ; encadrer et soutenir les groupements de femmes avec ses équipes qualité, logistique, production et comptabilité. De quoi rendre plus professionnelles les coopératives qui sont en partenariat avec lui et qui bénéficieront de formation sur les bonnes méthodes de gestion des coopératives.
La protection de l’environnement et des parcs à Karité en leitmotiv
Au-delà de la professionnalisation des coopératives, le projet Wakapou vise la protection des parcs à karité et surtout de l’environnement. En effet, les amendes et les beurres de karité que le projet va exporter sera certifié bio comme l’explique le co-fondateur M. Pourcines. « on veut produire bio, il faut qu’on ramasse dans des zones certifiables bio. Nous avons les deux forêts classées ‘’Ouémé supérieur et wari-maro’’ avec des populations de karité assez denses qui n’ont pas de cultures traditionnelles et donc pas d’utilisation d’intrants ». Wakapou veut ainsi sensibiliser non seulement les populations riveraines mais aussi former les femmes aux techniques de régénération des parcs à karité. Elles seront des actrices actives certifiées au standard bio par ECOCERT, car à terme, le projet se veut un fournisseur de l’industrie cosmétique et non de l’industrie alimentaire.
« Les industries alimentaires… on ne peut pas faire du long terme avec eux. Quand vous discuter avec les négociants internationaux qui achètent le karité pour l’industrie du chocolat par exemple, ils s’en foutent que ce soit bio-équitable. Ils veulent acheter le moins cher possible et la qualité n’a pas d’importance pour eux. Or pour l’industrie du cosmétique, le Karité est le fils ainé, on le montre, on le vend… Il y a une méga-tendance aujourd’hui dans le cosmétique, les gens cherchent du naturel et moins de chimie. Ils veulent du naturel mais il n’y a pas assez de fournisseurs et nous on se présente comme une chaine d’approvisionnement de produit bio et équitable » a confié M. Pourcines pour lever un coin de voile sur son marché d’écoulement.
Dans cette dynamique de la production bio, Wakapou entend réduire lui-même, son empreinte carbone en utilisant les panneaux solaires comme énergie alternative. Autant dire que le projet croit réellement dans l’agriculture Bio qui selon Hervé Pourcines, est une opportunité pour le Bénin qui n’a pas encore fait le choix des OGM comme d’autres pays de la sous-région. Voilà un projet qui va très vite s’ériger en modèle de partenariat dans le monde rural et s’imposer à tous les investisseurs de la filière karité et des autres spéculations agricoles du Bénin.
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