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En février 2025, lors du Choiseul Africa Summit, le ministre du Tourisme, de la Culture et des Arts du Bénin, Jean-Michel Abimbola, déclarait vouloir faire passer la contribution du secteur touristique au produit intérieur brut (PIB) national de 6 % actuellement à 13,4 % d’ici à 2030. Pour atteindre cet objectif tout en faisant bénéficier les communautés, le tourisme responsable peut s’avérer être une solution durable qui profite aux activités locales au lieu de les remplacer.
« Un tourisme qui évite de dénaturer l’espace et les comportements des populations visitées ou croisées ». C’est en ces mots que Laurent Viart, guide touristique français installé au Bénin, décrit le tourisme responsable. Depuis de nombreuses années, il fait découvrir la richesse du Bénin à travers des projets engagés pour la préservation des traditions locales. Son engagement consiste à « faire découvrir d’autres façons de vivre et de casser les clichés, de provoquer des réactions de grand respect et d’humilité devant les amis rencontrés ». Pour permettre aux visiteurs de toucher du doigt le savoir-faire béninois, il propose notamment un atelier de construction de cases en terre avec les méthodes traditionnelles. Pour lui, c’est un « un pied de nez au béton au goudron à la société moderne » dans la droite lignée du tourisme durable : « proposer l’expérience la plus authentique possible ».
« L’impression d’être invité dans les coulisses du Bénin »
Des structures comme le Centre Ouadada à Porto-Novo sont également investies pour faire en sorte de donner aux visiteurs d’être « invité dans les coulisses du Bénin ». Anna, volontaire internationale pour le centre témoigne : « Avec le circuit de la Rivière Noire, il y a une collaboration entre guides et habitants qui permet de découvrir la vraie vie des habitants. L’atelier qui montre les étapes de construction d’un djembé valorise un savoir-faire qui se transmet de génération en génération ». Cela se fait en échange de contrepartie avec les communautés : « Vous nous permettez d’ouvrir les portes de votre village, donc en échange toutes les personnes sont rémunérées. L’objectif est de générer des occasions économiques durables pour ces communautés ». La médiation culturelle peut être aussi un levier nécessaire à l’élaboration d’un circuit touristique adapté aux réalités locales. Anna évoque le programme Patrimoine 2.0 qui a permis de réaliser un musée virtuel sur le Vodun en se fondant sur des recueils de témoignages. Ces contenus interactifs ont pour but de donner envie aux touristes de venir et se fonde sur un échange fructueux avec la population. « C’est tout une chaîne sociale et économique qui se crée dans le but de valoriser le patrimoine. Pour ce projet, des jeunes sont formés et salariés ». Ce fut un travail de longue haleine, en médiation constante avec la population. Elle regrette que ce lien avec les communautés ne soit pas aussi développé dans tous les projets touristiques. Elle cite notamment le musée Internationale Vodun à Porto-Novo, qui ouvrira ses portes en 2026. Celui-ci n’a pas, selon elle, réalisé de travail de médiation avec les initiés pour mettre en lumière leurs récits.
Un tourisme à double tranchant pour les communautés
Pour le Bénin, qui bénéficie d’un important potentiel naturel et culturel, le tourisme est la deuxième source nationale de rentrées de devises. C’est donc une opportunité indéniable de croissance pour ce pays qui ne peut pas compter sur un sous-sol riche pour se développer. Le gouvernement béninois a ainsi mis en place un projet de financement du tourisme sur dix ans, qui s’achève en 2026. Depuis 2016, c’est 1250 milliards FCFA (soit 2 milliards d’euros) qui ont été « injectés directement dans le développement des infrastructures touristiques d’envergure et à forte valeur ajoutée » affirme le Ministre du tourisme.
Cependant, les grands projets de promotion touristique se font au prix de la protection de l’environnement et des populations présentes sur le terrain. Hermione Boko, responsable en ingénierie de formation et développement des expertises chez Eco-Bénin, s’inquiète de la construction du Club Med qui pourrait engendrer une dénaturation du paysage côtier et un sérieux problème de surconsommation d’eau : « On connaît tous quels sont les besoins des terrains de golf », prévient-elle, en plus cette façade se trouve dans les périmètres de l’aire marine protégée de la bouche du Roy.
Pour les populations de pêcheurs artisanaux, qui vivent sur la berge maritime, la délocalisation est un bouleversement des modes de vie : « Il y a des familles ghanéennes qui étaient là depuis 1800 et qui savent qu’elles sont du Ghana mais qui n’ont plus d’attaches aujourd’hui. Ils sont des Béninois, ils n’ont plus d’autres appartenance géographique donc il faut qu’un meilleur travail soit fait pour gérer ces problèmes de relocalisation. Il y va de la responsabilité des organisations de la société civile intervenant dans ces zones de veiller à cela ».
Même si le gouvernement reste majoritairement dans une vision économiste du tourisme, il participe néanmoins au développement durable des populations. C’est le cas avec la Route des Tatas à Koussoucoingou, dans la commune de Boukombé, au nord ouest à la frontière du Togo. « La mise en place des infrastructures de transport, avoir facilité l’accès au service de santé de soins et autres dans certaines zones ; a favorisé le tourisme parfois non durable dans des zones qui avaient du potentiel mais qui étaient très difficiles d’accès, ça a permis justement à certaines zones de se développer touristiquement ». Il y a tout de même « beaucoup de travail » pour que certains sites ne perdent pas de leur authenticité, conclut Mme Boko.
À travers des projets participatifs, des circuits ancrés dans les territoires et un dialogue constant avec les communautés, le Bénin peut se positionner comme un modèle de tourisme durable en Afrique de l’Ouest. Toutefois, cela nécessite une volonté politique forte, une implication réelle des acteurs locaux, et surtout, un changement de paradigme : penser le tourisme non comme une vitrine à destination de l’extérieur, mais comme un levier de renforcement des sociétés locales. C’est à cette condition que le tourisme pourra réellement devenir un moteur de développement inclusif et pérenne pour le pays.
Alice PERRET (Stagiaire)
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